La faculté d’adaptation est un élément clé de la force collective

Au cours des millénaires, l’être humain n’a jamais cessé d’évoluer. Ces adaptations successives lui ont permis de prendre une place prépondérante au sein des espèces du règne animal. L’adaptation, nécessaire à la vie, requiert la maîtrise d’un équilibre dynamique, jamais définitif.

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » Charles Darwin

Scène de vie. En 2010, on a découvert que les Tibétains avaient des gènes qui les rendent plus aptes que le commun des mortels à la vie en haute altitude, où le taux d’oxygène est moins élevé. En 2018, une adaptation biologique du même ordre a été identifié chez les Bajau, un peuple de plongeurs de l’Asie du Sud-Est : leur rate peut être jusqu’à 50 % plus grosse que la normale, ce qui permet une meilleure répartition du sang et de l’oxygène lors d’un passage prolongé sous l’eau. Les Bajau vivent essentiellement sur leurs bateaux et se déplacent d’île en île depuis au moins 1000 ans.

La faculté d’adaptation vs agilité

On appelle adaptation le processus de modification d’un organisme vivant ou d’une organisation pour demeurer opérationnel dans de nouvelles conditions. En fait l’adaptabilité cache trois spécificités, chères au général Bigeard pour qualifier l’esprit parachutiste : « souple, félin et manœuvrier. » Etre souple caractérise l’aisance d’un individu à évoluer dans un nouvel environnement sans se laisser conditionner par ses propres croyances et autres automatismes. La marque du félin est la patience d’attendre le bon moment afin de saisir rapidement les opportunités qui se présentent. Le sens de la manœuvre est indispensable pour s’affranchir des obstacles, utiliser le terrain et atteindre son objectif.

Au niveau de l’entreprise on dit qu’elle est agile. L’agilité est la capacité à répondre rapidement aux modifications de son environnement tout en conservant une forme de stabilité. L’adaptabilité n’est pas un processus. C’est avant tout une attitude ! Elle constitue un élément clé de la force collective. C’est donc un phénomène à la fois actif (adapter) et passif (s’adapter). Il y a à la fois changement de soi et du milieu.

Pourquoi développer son adaptabilité ?

Tout change et se régénère en permanence : la nature, les organisations, le marché, le corps humain, le cerveau… L’adaptabilité est indispensable pour conserver une capacité d’action dans un environnement confus, mouvant, … V.I.C.A. Cet acronyme résume bien le monde dans lequel nous vivons : Volatile, Incertain, Complexe, Ambiguë.

  • La Volatilité traduit l’inconstance de situations qui peuvent évoluer de manière rapide et chaotique.
  • L’Incertitude souligne l’absence de prévisibilité, l’incapacité à imaginer le long terme.
  • La Complexité des environnements économique, social et technologique propose une multitude de variables, alors même que leurs interdépendances sont malaisées à appréhender. Elle rend difficile l’analyse des situations.
  • L’Ambiguïté caractérise ce qui est susceptible de recevoir plusieurs interprétations. On peut donc aisément se tromper sur la stratégie à développer.

Né dans l’armée américaine  à la fin des années 90 pour affronter la fin de l’hégémonie des deux superpuissances et s’y adapter, ce concept s’impose face à la multiplication des interactions et à l’accélération des cycles.

Comment développer son adaptabilité ?

VICA est ainsi une grille de lecture qui peut aider à comprendre son environnement.

  • Pour affronter la volatilité, qu’elle vienne de son environnement ou de l’intérieur, il est nécessaire de partager une vision claire.
  • La difficulté à prédire les changements futurs engendre une incertitude, comparable au « brouillard de la guerre » de Clausewitz. Les situations évoluent parfois si rapidement que les organisations ont du mal à les comprendre. La réponse consiste à encourager l’initiative et à développer la confiance en soi et dans les autres.
  • Cette complexité galopante amène le manager à miser davantage sur la co-construction et la transversalité. Valoriser l’intelligence collective est souvent la meilleure démarche pour trouver des solutions adaptées.
  • Avoir conscience de l’ambiguïté permet d’accepter les paradoxes, de faire preuve de discernement et d’apprendre des échecs.

L’agilité est ici le maître mot : ne pas s’accrocher à ses certitudes et se rendre disponible pour saisir les opportunités.

S’adapter, en s’inspirant du vivant

Sous l’effet des circonstances et des crises, nos sociétés ont toujours répondu par une augmentation des performances. Cette course à l’optimisation ne connait pas de retour en arrière, ni même de pause. Or l’optimisation n’est pas le dénominateur commun des êtres vivants et en particulier de l’Homme. Les progrès de la biologie moléculaire nous apprennent que les systèmes vivants ne sont jamais à 100% de leurs capacités. Leurs systèmes de défense sont redondants. Cette « sous performance » est un formidable soutien aux capacités d’adaptation face aux agressions. En effet les systèmes vivants sont toujours dans un état dynamique qui leur permet de s’adapter à l’environnement.

Notre corps possède de formidables capacités d’adaptation au stress, à la maladie, au chaud, au froid, grâce à l’activation de ses systèmes de défense. Selon le naturaliste, Charles Darwin, l’évolution n’a pas sélectionné la performance mais la résilience pour survivre aux variations de l’environnement. En cette période de pandémie, l’agilité permet de marier la patience d’attendre à la plus grande réactivité pour saisir les opportunités. La course au rendement, la politique des flux tendus, la culture de l’urgence limitent les capacités d’adaptation aux crises.

S’adapter, dans l’esprit de la règle

La faculté  d’adaptation  est synonyme  de souplesse d’esprit et d’initiative. Dans une situation critique, c’est à l’intelligence individuelle de trouver le courage de faire face autrement. Elle permet de dépasser si nécessaire les procédures, tout en gardant à l’esprit le but à atteindre et les valeurs de l’organisation. Face à une situation imprévue, une vision pragmatique peut permettre de sortir du cadre pour atteindre son objectif. Il s’agit de bannir toute forme de rigidité sans renoncer à ses valeurs.

Contexte militaire. Un pilote d’un hélicoptère Tigre, chargé de l’appui d’une unité française en Afghanistan, n’arrivait pas à localiser la position des insurgés selon la procédure habituelle. Les consignes lui interdisaient d’ouvrir le feu sans identification formelle de la position ennemie ! Choisissant d’ouvrir le feu dans un petit champ désert, il put ainsi déterminer la position ennemie grâce à ce repère commun avec les unités au sol.

La règlementation est une image statique dans le temps qui ne répond pas toujours au problème posé. Ainsi, les procédures ne permettent pas de répondre à tous les cas de figure.

S’adapter, en gardant son identité

Pour une entreprise, l’objectif consiste à s’adapter au changement sans renier son identité. Pour autant les usages qui ont généré la réussite d’une entreprise peuvent devenir des comportements d’échec dans un environnement évolutif.

Contexte économique. Pendant 100 ans, Kodak a régné sans partage sur le monde de la photographie. En 1975, un jeune ingénieur de l’entreprise a découvert l’appareil photo numérique. Cependant, ses dirigeants ont eu peur de remettre en cause le business model qui faisait la réussite de Kodak ! L’entreprise a adopté son grand virage vers le numérique 18 ans plus tard. Kodak a fait faillite en 2012 !

S’adapter aux technologies de rupture est un défi ardu pour les entreprises : être à l’écoute des tendances du marché, comprendre les attentes et les comportements des consommateurs. Kodak pensait être un vendeur de solutions photographiques alors qu’il était un acteur de l’imagerie. Arie de Geus, théoricien du management, dit que « les entreprises qui survivent à de grands changements sont à la fois très décentralisées tout en ayant une très forte identité ».  C’est-à-dire de faire prévaloir ses aptitudes, tout en acceptant un certain nombre de modifications qui ne la dénature pas.

Une capacité d’adaptation collective repose sur une culture partagée

Face à l’incertitude, une communauté doit se doter d’une capacité d’adaptation permanente permettant de réagir aux aléas. Cette aptitude repose sur une véritable décentralisation des responsabilités et des décisions. Celle-ci implique, de la part du dirigeant, une sorte de « lâcher prise » et suppose une confiancepartagée. Cette « communauté de pensée » innerve l’ensemble de l’organisation car elle est fondée sur un référentiel comportemental commun :

  • La loyauté pour exprimer et faire valoir son point de vue, en particulier quand il est différent de celui du dirigeant,
  • L’engagement et la ténacité à vouloir atteindre son objectif, en dépit des circonstances,
  • La cohésion, « l’esprit de corps » est un élément essentiel de la réussite, en particulier dans un contexte difficile. L’intérêt individuel s’efface alors devant l’intérêt collectif.

Cette culture commune ne nait pas spontanément. Elle se construit grâce à la qualité des managers et à la manière dont l’autorité s’exerce. Savoir s’adapter est une qualité primordiale pour les entreprises. Encore faut-il le faire sans renier son identité, en sachant où et comment avancer !

Conseils du coach

Pour évoluer dans un environnement en perpétuelle mutation, le manager s’attache à développer les capacités suivantes :

  • L’humilité, c’est à dire la capacité à lâcher prise pour accepter de ne pas tout savoir ni de tout maîtriser,
  • La confiance en soi, aux autres, à l’organisation et à ses capacités à rebondir,
  • L’audace, pour prendre des risques, veiller et anticiper,
  • L’écoute active, pour s’enrichir de la diversité des points de vue, des avis et des analyses.

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