« L’autonomie n’est pas une injonction mais un processus » Fabienne Brugère
Nous sommes tous, à un moment ou à un autre, en situation de dépendance à l’occasion de changements dans nos vies. Le cycle de la dépendance de Katherine Symor est un outil qui donne un chemin permettant d’accéder à l’autonomie.
Qu’est-ce que l’autonomie ?
Dans le domaine personnel et professionnel, l’autonomie est la capacité à décider seul dans le cadre de règles d’usage, en relation avec son environnement. L’autonomie s’exerce dans un réseau d’interdépendances multiples et s’épanouit dans la coopération. Elle s’étend dans trois dimensions :
- Le pouvoir de définir et de gérer ses actions et ses activités,
- L’aptitude à piloter sa vie et les orientations de son organisation,
- La capacité à progresser grâce à la coopération.
L’autonomie est un processus d’évolution que nous vivons tout au long de notre vie. De l’enfance jusqu’à notre mort, à l’occasion de changements, nous sommes confrontés au cycle de la dépendance.
Le cycle de la dépendance
Katherine Symor est une analyste transactionnelle américaine ayant travaillé dans les années 1970 avec des femmes opprimées. Au travers de ses recherches, elle a mis en évidence un cycle permettant d’accéder à l’autonomie. Ce processus s’applique à tous les contextes de la vie privée mais aussi professionnelle et sociale.
Il s’agit d’un processus naturel d’évolution en quatre étapes. Ces phases sont vécues par chacun d’entre nous au cours de notre vie. Elles décrivent l’évolution de notre relation avec nos parents, nos éducateurs, nos managers, nos relations, nos collaborateurs.
Ces 4 phases sont la dépendance, la contre dépendance, l’indépendance et l’interdépendance. Dans le cycle de la dépendance, chaque étape doit être franchie pour passer à l’étape suivante sur le chemin de l’autonomie.
1 La dépendance
La dépendance est un état de besoin des autres pour vivre, travailler et obtenir ce dont une personne a besoin. Celle-ci reçoit d’une « autorité » la protection pour vivre, les codes pour agir et la reconnaissance pour entreprendre. Dans le contexte familial, l’enfant est dépendant de ses parents pour se nourrir, se laver, se vêtir… Dans le cadre professionnel, nous passons tous par une phase d’apprentissage. Cette phase n’est pas négative. Elle permet la croissance si elle n’est pas vécue comme une oppression. Le passage au stade suivant demande de faire les choses soi-même, en étant encouragé et protégé. Cela nécessite d’abandonner la sécurité que cette dépendance peut apporter.
2. La contre dépendance
La contre-dépendance est un état de besoin d’agir en autonome, sans en avoir tous les moyens. C’est une phase bâtie sur l’opposition, une position de refus. La personne manifeste la volonté de s’exprimer et d’être entendue. La contre-dépendance consiste à affirmer son caractère, en particulier dans des situations de dépendances malsaines. C’est une période qui évalue ce qui a été appris à l’étape précédente à l’aune de sa réalité personnelle.
Elle consiste à contester les règles et les codes et à rechercher des points de vue différents de ceux de l’autorité de tutelle. Cette étape est fondamentale car elle permet de se construire en s’opposant. C’est le cas lorsqu’un adolescent se révolte contre l’autorité parentale. Il en est de même lorsqu’un junior conteste le management ou les modes d’action. Le passage au stade suivant nécessite de se renforcer intérieurement et professionnellement pour être en mesure de prendre ses responsabilités. Il doit aussi faire le deuil de l’opposition systématique.
3. L’indépendance
C’est une phase au cours de laquelle une personne manifeste le besoin de tester ses propres solutions dans un contexte réel. A ce stade le « junior » a besoin de vérifier qu’il maîtrise pleinement ses acquis. Responsable de ses actions, conscient de son identité et de ses valeurs, la personne indépendante sait se protéger et se motiver. Il est temps pour lui de mettre à sa main les apprentissages qui ont été faits.
Cette étape marque la séparation avec l’autorité de tutelle. Cherchant ses propres sources d’information, ses références, le jeune adulte explore ses propres choix. C’est une période propice à la prise de risques. Faire des erreurs est normal. Dans cette phase, le jeune salarié ne ressent plus le besoin de solliciter ses collègues et de partager ses idées avant de décider. La transition demande de tester les limites de ce qu’on peut réaliser seul en découvrant les atouts de la coopération.
4. L’interdépendance
L’interdépendance est une phase de co-construction, dans laquelle la personne entretient une relation d’échanges et de partages. Dans un esprit d’équipe, elle fonctionne sur la base d’un échange équilibré de services et d’informations. Dans le domaine professionnel, le jeune salarié s’appuie sur les compétences extérieures pour être performant. Ainsi les travailleurs autonomes recherchent dans le collectif les voies de l’autonomie. Celle-ci est inséparable de la coopération.
Katherine Symor rappelle que le cycle de la dépendance n’est pas linéaire. Une personne peut faire de nouveau l’expérience de la dépendance lorsqu’elle est confrontée à un changement ou à une difficulté nouvelle.
L’autonomie de l’entrepreneur et ses contraintes
L’autonomie de l’entrepreneur autorise le choix du cadre de travail, des horaires, des missions. Travaillant hors hiérarchie, le freelance est cependant soumis à la satisfaction du client. Cependant l’autonomie comporte des contraintes. C’est une aptitude à prendre en compte ces contraintes, à les évaluer, à envisager les différentes actions possibles et à agir en conséquence. Les débuts d’un entrepreneur sont une période d’incertitude dans laquelle le salaire est fluctuant et la charge de travail est importante. Enfin, l’être humain est un être social, soumis à un ensemble de règles propres à la vie en société. L’autonomie permet de faire des choix réfléchis qui tiennent compte de cet environnement social.
L’autonomie au travail
Edouard Michelin, industriel français, disait en 1928, en matière d’autonomie, que le principe est : « de donner la responsabilité à celui qui accomplit la tâche car il sait beaucoup de choses sur la question ». L’autonomie réside dans la capacité du salarié à explorer ses propres idées dans le cadre de l’organisation de son travail. C’est l’expression claire du désir de maîtriser sa charge de travail avec une certaine flexibilité. Elle consiste aussi à rechercher un équilibre acceptable entre vie professionnelle et aspirations personnelles. Elle pose aussi la question de la confiance accordée quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs.
L’autonomie au travail comporte cependant quelques risques. En effet la responsabilisation engendre du stress qu’il est nécessaire de canaliser pour profiter de cette liberté. Elle peut être perçue par certains comme une prise de risque et une perte de confort. De plus, en l’absence de limites claires, cette liberté peut inciter à travailler plus que d’ordinaire. C’est ce que certains salariés ont pu constater en expérimentant le télétravail durant la période de confinement.
Conseil du coach
L’autonomie est un processus d’évolution qui mérite d’être accompagné avec bienveillance par le manager, lors des différentes étapes.
Il s’agit en premier lieu de reconnaître les différentes phases et les comportements associés. Au manager ensuite d’adopter les bons réflexes pour réussir ses accompagnements.
- Dépendance : le manager relativise la situation en rassurant sur la normalité de la posture et en répondant aux interrogations et aux peurs.
- Contre-dépendance : le manager offre la permission d’exprimer son désaccord, sans pour autant en faire grief au junior. Il doit cependant rappeler les règles qui permettent au groupe de fonctionner.
- Indépendance : le manager encourage et préserve la confiance et soutient en cas d’échec éventuel.
- Interdépendance : le manager montre au junior qu’il y a plus d’avantages à vivre l’interdépendance que l’indépendance, en étant seul avec sa propre réussite.
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