La stratégie de la bienveillance au service du management

En s’engageant avec un regard positif sur soi et sur l’autre, la stratégie de la bienveillance est une ligne de conduite personnelle permettant d’obtenir la coopération plutôt que de générer des résistances. La bienveillance est liée à la réciprocité, à la clarté et aussi à la liberté d’innover.

« L’esprit de la stratégie de la bienveillance oriente la main qui tient l’outil dans le sens de l’action qui rassure sans limiter, rassemble sans enfermer, libère sans diviser, permet de rencontrer l’autre sans le manger ni être mangé. » Juliette  Tournand

L’intelligence de la coopération

Anatol Rapaport, bio mathématicien, musicien et diplomate, émet l’idée, en 1974, que la manière la plus « efficace» de se comporter vis-à-vis d’autrui est la Coopération, la Réciprocité et le Pardon (C.R.P.). C’est-à-dire que lorsqu’un individu, une structure ou un groupe rencontre d’autres individus, structures ou groupes, il propose toujours la coopération. Selon la règle de la réciprocité, si l’autre aide, il coopère, si l’autre refuse, il cesse toute coopération jusqu’à ce que l’autre coopère de nouveau.

En 1979, Anatol Rapaport gagne le tournoi de la théorie des jeux, organisé par l’université du Michigan, grâce à l’application de son programme CRP.  Au cours du jeu,  il a obtenu la coopération de ses concurrents et la victoire dans toutes les configurations.

La stratégie de la bienveillance

Pour Juliette Tournand, coach de dirigeants et conférencière, la coopération est source de performance. Ainsi, elle a élaboré la stratégie de la bienveillance en approfondissant le programme C.R.P., mis en œuvre par Anatol Rapoport. Juliette Tournand a identifié les valeurs qui animaient la stratégie gagnante pour dessiner la voie de la réussite, au centre de quatre forces :

  • la bienveillance pour soi et pour les autres permet d’orienter son attention vers ce qui est bien, ce qui fait du bien, ce qui sera bien.
  • la réciprocité signifie bienveillance pour soi et bienveillance pour l’autre.
  • la clarté évite à la bienveillance de verser dans la complaisance et le consensus mou.
  • la liberté d’innover ouvre de nouvelles perspectives lorsque la situation n’offre aucune solution satisfaisante. C’est imaginer la solution qui se prête à la bienveillance, à la réciprocité et à la clarté.

Bienveillance, Réciprocité, Clarté et liberté d’innover dessinent une ligne de conduite sûre et durable. Elle souligne les caractéristiques d’une conduite de leader.

La bienveillance, au centre de cette stratégie

Aux racines du mot bienveillance, « benevolentia »,  il y a la volonté de bien. Pour éviter le débat entre le bien et le mal, retenons la racine « veille » pour valider la volonté de veiller à ce qui fait du bien. La bienveillance  permet de switcher de la « veille à mal » qui conduit à la colère et au blocage, à la « veille à bien » qui est bon pour soi, bon pour l’autre et bon pour l’entourage.

Exemple : Bruno est marié à Brigitte depuis peu de temps. Ils viennent d’avoir un enfant. En rentrant du travail Bruno sent le fumet des tripes que son épouse lui a cuisinées. Il ne supporte pas les tripes ! Comment être clair avec lui-même et bienveillant avec Brigitte ? Après réflexion, au moment de se mettre à table Bruno déclare : «Je déteste les tripes autant que je t’aime !»

La posture de la bienveillance n’est pas la plus naturelle, car elle suppose d’oser la confiance. En effet, bloquer la réaction du cerveau reptilien pour s’orienter vers la bienveillance n’est pas inné. Il demande un entrainement dans la durée. Au quotidien, les mouvements clés de la coopération conduisent :

  • à retrouver la bienveillance pour soi,
  • puis la bienveillance pour l’autre (réciprocité)
  • et prendre du recul pour trouver l’essentiel pour nous, grâce à la liberté d’innover.

Exemple : Aude est responsable des dossiers de contentieux. Un dossier a été mal traité par Joël, qui est par ailleurs un excellent élément. Comment marquer le manquement (clarté) sans décourager Joël ? Après avoir pris du recul, Aude convoque Joël et lui dit : «Ton dernier rapport n’était pas au niveau des précédents, voyons ensemble ce qui s’est passé ». 

Les fondamentaux scientifiques de la bienveillance

La bienveillance est à la rencontre de plusieurs disciplines (neurosciences, sciences du comportement et sciences de l’information). Elle prend sa source dans l’étude des émotions. Chacune de nos postures provoque des émotions, positives ou négatives, qui modifient l’équilibre de notre système hormonal. On connaît aujourd’hui assez précisément le rôle de chacune des hormones concernées. Trois d’entre elles ont un impact clé dans le rapport des individus à leur environnement. Pour simplifier, nous pouvons dire qu’un comportement bienveillant amène des émotions positives qui sont responsables :

  • de la sécrétion d’endorphine (hormone de la relaxation et du bien-être),
  • de dopamine (neurotransmetteur associé à l’attention et au plaisir)
  • d’ocytocine (hormone impliquée dans de nombreuses fonctions émotionnelles et relationnelles …).

Ainsi, leur combinaison chimique améliore la relation entre les personnes, renforce leur engagement, leur cohésion et leur créativité.

L’entreprise bienveillante, source de performance

Il ne s’agit pas de repeindre en rose le monde du travail, ni de succomber à une vision angélique du rôle de l’entreprise. Pourtant, la bienveillance peut redessiner les relations humaines pour améliorer la qualité de vie au travail. La mise en place d’un management bienveillant est aussi profitable :

  • aux collaborateurs (plus de stabilité, moins d’absentéisme, plus de motivation)
  • qu’à l’employeur (meilleure productivité, plus de créativité et de rentabilité, moins de turnover).

Selon un sondage réalisé par BVA en 2017, les organisations qui ont mis en pratique la bienveillance ont vu le stress des salariés nettement baisser en trois ans ; leur motivation est passée à 51 %, contre 28 % au niveau national ! Marc Grassin, directeur de l’institut Vaugirard-Humanités et Management, résume les nouveaux enjeux : « L’attente de bienveillance surgit  comme une sorte d’invitation à faire de la relation dans le monde du travail autre chose que ce qu’elle est. » En 2018, le tandem Clara Gaymard et Gonzague de Blignières lancent le «mouvement pour une économie bienveillante » (MEB). En effet, ce manifeste enjoint ses signataires à injecter de la générosité et du partage dans les rouages de leur entreprise, par le biais de diverses actions philanthropiques. Pour autant, la réinvention des relations au travail demande un apprentissage pour disposer d’un management à la hauteur.

Conseil du coach en matière de bienveillance au sein de l’entreprise

On a souvent tendance à n’entendre bienveillance que dans le sens de l’écoute attentive et favorable à l’égard d’autrui. Dans cette perspective, la bienveillance confine au dévouement. Or, du point de vue du manager, adopter la stratégie de la bienveillance c’est :

  • S’intéresser à ses collaborateurs : écouter, encourager, savoir reconnaître les compétences et les réussites de ses collaborateurs : bienveillance pour les autres.
  • Etre exemplaire, faire preuve d’humilité, reconnaître ses erreurs et s’appliquer à soi-même ce que l’on attend des autres : bienveillance pour soi.
  • Communiquer  : en ayant une parole impeccable, en faisant preuve de patience, en laissant l’autre s’exprimer, sans donner de leçons.
  • Accorder bienveillance avec exigence : bienveillance avec la personne à travers le respect qu’on lui porte et exigence sur la méthode, le comportement, voire le résultat.
  • Favoriser la cohésion et l’esprit d’équipe : donner du sens à l’action et des objectifs communs dans une ambiance bienveillante au sein de l’équipe.
  • Faire confiance à ses collaborateurs : donner le droit à l’erreur pour développer la créativité et l’autonomie.

Pour cela, l’entrainement est indispensable, en commençant dans la sphère privée, pour découvrir le plaisir qu’il y a à dépasser la frustration des situations difficiles et pour jouir de la liberté d’innover.

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