Le cadre et les règles indispensables à l’action.

« Le règlement est semblable aux rites d’une religion, qui semblent absurdes, mais qui façonnent les hommes.»  Antoine de Saint-Exupéry

Le cadre a souvent une image négative dans l’imaginaire collectif. Il semble contraignant, alors qu’il est structurant. Le cadre suppose le respect par toutes les personnes concernées de règles utiles, contractuelles et peu nombreuses ; il engendre de la confiance. Et pour préserver celle-ci, il est indispensable de faire la différence entre l’erreur et la faute.

Scène de vie : Patrick est dirigeant d’une entreprise de 10 salariés. Il est à la tête d’une entreprise de rénovation second-œuvre. Cette activité est codifiée par un certain nombre de règles de sécurité pour la protection de tous. Mandaté par le dirigeant pour un coaching sur la posture managériale, je note que les consignes sont appliquées différemment selon les collaborateurs. Pour un coach, la rigueur avec laquelle les règles sont appliquées est un indicateur des pratiques de l’entreprise. J’ai constaté, à cette occasion, que le respect d’un cadre dépend souvent du rapport que le dirigeant lui-même entretient avec les règles.

Qu’est-ce qu’un cadre ?

Le cadre est l’ensemble des règles sur lesquelles s’appuient un individu, une équipe ou une organisation pour fonctionner. C’est donc une structure qui organise aussi bien la vie personnelle, sociale et professionnelle. C’est un dispositif spatial et temporel qui permet de structurer les interactions au sein d’une organisation. En effet, ce n’est pas parce que nous parlons tous la même langue que nous nous comprenons les mêmes choses.

Le « cadre » favorise l’explicite au détriment de l’implicite : ce dernier  provoque de l’incompréhension et de l’incertitude. Il permet de définir ce qui est attendu vis-à-vis du collaborateur en termes de tâche et de comportement. Il précise aussi ses droits et ses devoirs. Cela implique d’avoir défini au préalable le contenu de ce cadre, ainsi que les éventuelles limites que l’on souhaite ne pas voir franchies.

Pourquoi un cadre ?

En réalité, les règles, les cadres et les limites structurent nos vies personnelles, professionnelles et collectives. Le cadre :

  • est indispensable à l’action. Les artistes et les sportifs, par exemple, l’utilisent pour exprimer leur créativité en dépit des règles qui encadrent leur métier : toile, objectif ou règlement.
  •  sécurise et protège. Il permet de rester concentré, de connaître les limites et de ne pas s’éparpiller.

Cadre et confiance vont de pair. La connaissance d’un périmètre de responsabilité facilite la prise d’initiative, l’autonomie et donc la confiance.

Il est possible d’évoluer en toute liberté et spontanéité lorsque le cadre est clairement délimité au préalable. En sécurisant et en autorisant, le cadre ouvre un espace de liberté intérieure pour oser expérimenter.

Les objectifs d’un cadre

Un cadre vise à réduire les zones d’ambiguïté dans une relation personnelle ou professionnelle. Il répond à des objectifs bien précis :

  • éclairer sur le « pourquoi » : il permet de donner du sens et de préciser la mission ;
  • définir des modes de fonctionnement : la règlementation, les mesures de sécurité, le cadre de travail, les limites et les process ;
  • préciser la place de chacun dans l’organisation et les relations au sein du groupe ;
  • identifier les moyens mis en œuvre (temps, matériel, humain, financiers), l’accompagnement prévu et les modes de reconnaissance du travail.

Par ailleurs, le cadre suppose le respect de quelques règles par toutes les personnes concernées.

Les conditions d’efficacité de la règle

La règle fixe des repères, des limites et des impératifs. Elle permet à chacun de connaitre sa mission, son rôle, ses responsabilités et de préciser les valeurs communes. La règle sert aussi de cadre de référence en cas de désaccord ou de conflit. Pour être efficaces, les règles doivent être :

  • claires : elles sont exprimées de manière compréhensibles ;
  • pragmatiques : elles doivent être efficientes ;
  • utiles : elles concourent à l’efficacité individuelle et/ou collective ;
  • contractuelles : c’est un engagement réciproque entre le manager et son collaborateur ;
  • peu nombreuses : l’excès de règles bride la capacité à réagir à l’imprévu.

L’excès de règles peut conduire à la déresponsabilisation. Or, il est impossible de tout prévoir

Penser en dehors du cadre

Certaines personnes trouvent des solutions qui sortent du raisonnement habituel et qui débloquent des situations inextricables. Le cadre ne remplace pas la connaissance et la réalité du terrain. Les règles sont une image statique dans le temps qui ne répond pas toujours au problème posé. L’adaptabilité n’est pas un processus. C’est avant tout une attitude ! Au niveau de l’entreprise on dit qu’elle est agile ! L’agilité, c’est la capacité à répondre rapidement à son environnement tout en conservant une forme de stabilité.

Penser hors du cadre permet parfois de sortir d’une impasse ou de parvenir à une solution de meilleure qualité qu’en restant dans le cadre. Face à une situation imprévue, une vision pragmatique peut permettre de sortir du cadre pour atteindre son objectif.Il s’agit de bannir toute forme de rigidité sans renoncer à son identité. Favoriser la créativité de ses collaborateurs passe par des initiatives variées et originales : solliciter des tiers, dynamiser les réunions, limiter les e-mails internes, développer la mobilité professionnelle, la flexibilité des horaires,…

Les managers et la règle

Le rôle du dirigeant et des managers consiste à faire connaitre les règles, à en vérifier la compréhension, à susciter l’adhésion des collaborateurs et à en contrôler l’application. A cet égard, ceux-ci devraient régulièrement s’interroger :

En premier lieu, la règle a-t-elle du sens ? Est-elle une aide pour gagner en efficacité, pour nous protéger, pour mieux collaborer ? Chaque règle est-elle le fruit d’une réflexion reposant sur des arguments factuels ou sur des habitudes ?

Ensuite, quelle est la responsabilité du manager en matière de règle ? Il appartient aux managers de la faire respecter. Ce n’est pas forcément la partie la plus agréable du métier mais il faut faire le job ! De plus leur première responsabilité est d’appliquer eux-mêmes les règles qu’ils ont édictées. Cette exemplarité du comportement permet d’influencer positivement son groupe. Dans le cas contraire, ils entretiennent l’ambiguïté sur son utilité et nuisent à l’efficacité de l’équipe, voire à sa sécurité.

Distinguer l’erreur de la faute

La transgression de la règle, sous la forme d’une erreur ou d’une faute, doit engendrer une réaction. Or une organisation qui ne fait pas la différence entre l’erreur et la faute se met en danger. Dans notre culture française, se tromper « c’est mal ». Ainsi, depuis notre plus jeune âge, tout est fait pour entretenir la confusion : l’école parle de « fautes d’orthographe » et « d’erreurs en mathématiques». Et l’entreprise prend le relais : on y parle de « faute de frappe » et « d’erreur de caisse ». Pourtant, une « faute de frappe » et une « faute d’orthographe » ne sont que des erreurs !

Une erreur provient d’un manque d’attention, d’information ou de compétence. Elle est involontaire et n’engage donc pas le même degré de responsabilité. Elle est inconsciente au moment où elle est commise.

Une faute est un comportement « hors-jeu », (parfois accidentel), vis-à-vis d’une règle mais toujours en conscience de la règle. Somme toute, la faute est la transgression volontaire d’une consigne ou d’un règlement qui a du sens : absence injustifiée, insubordination, vol, violence, transgression des consignes de sécurité.

Le manager, l’erreur, la faute et le droit à l’erreur

Il est primordial de les différencier, car la réaction managériale diverge : une erreur se débriefe et une faute se sanctionne. Dans le cas de l’erreur, le manager cherche à comprendre car l’objectif est de comprendre les raisons et de trouver une solution pour qu’elle ne se renouvelle pas. L’objectif est de développer la compétence d’un collaborateur. En cas de faute, ce sera plus simple car le but sera de « corriger un comportement ». Ce n’est pas un acte de pédagogie mais d’autorité. En revanche « sanctionner une erreur » est une double peine car on décourage l’initiative.

En conséquence, il est indispensable d’instaurer un droit à l’erreur. Le droit à l’erreur est indispensable dans un monde complexe qui promeut plus que jamais la prise d’initiative, voire la prise de risque. Punir les erreurs est contreproductif.

L’initiative individuelle mérite d’être encouragée. Lorsque le manager responsabilise ses collaborateurs, il leur offre l’opportunité de développer leurs connaissances, de gagner en autonomie, de se faire plaisir en s’investissant personnellement. Il dynamise leur rôle au sein de l’équipe pour exprimer librement son opinion, partager ses idées, penser collectif, écouter…

Le conseil du coach

En conclusion, les règles qui composent le cadre doivent être vivantes. Elles méritent d’être régulièrement confrontées à la réalité de l’environnement. Le fait de poser un bon cadre permet une plus grande liberté d’expression et une confiance mutuelle :

  • être personnellement au clair avec le cadre et y adhérer ;
  • le cadre est intemporel et ne doit pas être modifié en permanence ;
  • il doit être posé dès le début et être connu de tous ;
  • le cadre doit être bien compris, avec une reformulation si cela s’avère nécessaire.
  • il est indispensable de faire des recadrages réguliers, c’est-à-dire de rappeler les règles ;
  • la communication demeure une des clés du succès.

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