Le charisme, qualité innée ou acquise ?

Les personnes charismatiques font partie de celles qu’on rencontre sans pouvoir les oublier. Elles dégagent une aura telle qu’on a envie de les écouter et qu’on est prêt à les suivre : un professeur qui vous fait aimer l’histoire, un chef qui fait grandir ses équipes, un conférencier qui vous transporte… Pourtant, si le charisme est un concept très précis dans sa racine il est très flou dans son expression. En fait à quoi tient le charisme ?

« Le charisme est la promesse incarnée avec force, magnanimité et humilité d’une élévation collective. » François Aélion

Scène de vie : Bonaparte avait du charisme. Sa dynamique relationnelle a répondu à une attente collective importante. Après une révolution qui avait répondu aux espoirs de changement, les Français étaient las des désordres sanglants. C’est la rencontre entre un pouvoir d’attraction et d’entrainement exceptionnels et les aspirations de la population française à ce moment-là. Issu de la périphérie, avec un accent italien à couper au couteau, reconnaissable grâce à son bicorne, il était capable d’exploits retentissants.

Une aura qui attire irrésistiblement les autres :

Le charisme est difficile à définir avec des mots, mais on le reconnaît à coup sûr quand on le voit. C’est une aura indéfinissable, capable de susciter la fascination et l’adhésion d’un groupe de personnes ou d’un individu. Le charisme est l’aptitude à entraîner les autres. Avant même de prendre la parole, une personne charismatique focalise l’attention. Elle dégage aisance relationnelle et confiance en soi.

L’Académie Française rappelle que le charisme trouve ses origines dans le mot grec kharisma, « faveur, grâce accordée par Dieu ». A l’origine donc, c’est une notion théologique, qui a été incarnée en particulier par Saint Paul. Etymologiquement, le charisme qualifie un « don particulier conféré par une sorte de grâce divine ». Cependant, il se révèle aussi comme la synthèse d’une volonté, de méthodes et d’un entraînement qui contribueront à faire émerger ce talent personnel. La personne charismatique est en fin de compte un leader qui n’écrase pas les autres et qui les entraîne.

Le charisme se nourrit de la crise

Pourquoi être charismatique en situation normale ? D’après Max Weber, économiste et sociologue allemand, le charisme fonctionne lorsqu’il y a un fort désenchantement. Dans ces situations où les élites habituelles ont perdu leur crédibilité, il y a de la place pour l’exceptionnel, l’outsider, puissant et décalé. Le pire ennemi du charisme, c’est la normalité. La personnalité charismatique cherche à contrer la normalité. La banalité est son pire ennemi.

Selon, Max Weber, l’autorité d’un individu repose sur sa légitimité. Elle est issue de trois sources principales : traditionnelle, légale et charismatique.  Ainsi, le charisme est cette 3ème source de pouvoir dont le groupe a besoin en période de crise. A ce moment-là, « on achète quelqu’un qui nous vend une exceptionnalité » nous dit François Aélion, expert en techniques de charisme, de l’Association Progrès du Management. Fasciné par le centre, cette personnalité n’appartient pas à l’élite. Il vient de la périphérie pour réformer le centre. Comme Buonaparte, qui est corse, Alexandre n’est pas grec mais macédonien. César vit au L’Avantin, quartier marchand de Rome, car sa famille est ruinée. Le général de Gaulle ne devient charismatique que lorsqu’il arrive à Londres.

Les caractéristiques du charisme

Sans intensité, il n’y a pas de charisme. En premier lieu, le tribun déploie une puissance qu’il assume totalement. Pour échapper à « l’hubris », la démesure, qui faisait peur aux grecs, cette puissance doit servir à la l’élévation de son environnement.  Le leader charismatique donne le sentiment de comprendre les gens : « Je vous ai compris » dit Charles de Gaulle. Elle se manifeste également par une capacité à donner des marques de reconnaissance : « soldat, je suis content de vous » disait Napoléon.

En réalité, pour être acceptable, la puissance doit être alternative. Les grands charismatiques savent prendre le temps pour réfléchir et le temps pour agir. Ils sont difficiles à cerner parce qu’ils sont contradictoires. Charles de Gaulle, dans Le Fil de l’épée, souligne que « le magnétisme vient du contraste entre la puissance intérieure et la maîtrise de soi. » Dans les moments de crise, il faut du masculin et du féminin, du Yin et du Yang. La dialectique physique du charisme mêle l’élévation (le Yang derrière) et l’exposition (le Yin devant).

Enfin les charismatiques ont une grande intelligence du contexte dans le temps et dans l’espace. Ils ont une grande sensibilité à l’environnement, au moment et au public. C’est une dialectique qui se nourrit de temps faibles, de retraits, de vulnérabilités et de solitude.

Les trois dimensions du leader charismatique

François Aélion dévoile dans ses formations l’ingrédient caché de la réussite, les trois principales dimensions du charisme.

  • Une vision claire, optimiste et ambitieuse, en particulier en période de crise. Charles de Gaulle parle d’élévation et la définit ainsi : « viser haut, voir grand et juger large ». Cette vision intègre aussi une valorisation de ses collaborateurs et une attention à leurs besoins.
  • Des dons particuliers. Lucide sur ses dons, une personne charismatique les développe et les stimule avec une grande constance. Par leur mise en scène, parfois de manière théâtrale, le leader charismatique diffuse une énergie motivante.
  • Une exposition et une prise de risque. Il n’y a pas de charisme sans courage. Le charismatique s’investit en personne quand la situation l’exige. Napoléon, au pont d’Arcole, s’offre au danger pour retourner une bataille mal engagée. La personnalité charismatique s’expose également par une originalité qui traduit son exceptionnalité : le fameux col roulé noir de Steve Jobs, le Khadi de Gandhi, ou le cigare de Churchill.

Le leader charismatique se comporte en tribun qui affiche sa vision en termes clairs, s’appuie sur ses dons et s’expose physiquement.

Les trois états du charisme

Les leaders charismatiques se distinguent en premier lieu par leur présence physique. Qu’ils soient devant une assemblée, en réunion ou en tête-à-tête, l’intensité de leur présence et la confiance qu’ils affichent conforte leur force de persuasion. En appui du discours, leur communication non verbale emporte l’adhésion : la posture verticale, la voix, le regard, l’économie des gestes et l’impact de la voix.

Ensuite ils développent une grâce relationnelle qui réchauffe les cœurs. Fondée sur l’écoute et l’empathie, ils se recentrent sur le moment présent, sur le réel, sur l’ici et le maintenant. Le sujet prime sur l’objet. Plus un homme est grand, moins il a d’objet : le maréchal Murat est chamarré d’or alors que Napoléon est vêtu d’une redingote de colonel de la Garde. Le vocabulaire utilisé privilégie les mots qui rajoutent à ceux qui soustraient : oui je comprends, davantage, mieux, pour, nous, avec plaisir, merci, bien, bon, beau, voulez-vous

Enfin, le leader charismatique illumine d’une aura, fondée sur le courage, la magnanimité et sur une part de mystère. Il assume ses choix, prend des décisions difficiles, il sait dire non sans craindre le désamour. Les collaborateurs ressentent tout de suite une authenticité et une rectitude. De Gaulle précise, dans le Fil de l’épée qu’un « chef est distant, car l’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement ». Il en est de même pour le culte du secret cher à Steve Jobs au cours de sa vie.

Qualité innée ou acquise ?

Certains managers semblent avoir des dispositions naturelles à entrainer les foules. Pourtant, la personnalité charismatique renforce ce magnétisme à force de travail sur leur image et sur leurs convictions. Il est possible de développer son pouvoir personnel en travaillant sur les points suivants :

  • La simplicité du discours : Barack Obama ou Guillaume Pepy, ex PDG de la SNCF, usent de phrases courtes, de mots simples et intelligibles par tous.
  • L’éloquence des tripes : alors qu’il portaitsur ses épaules la destinée de son pays et du monde en 1940, la faconde de Churchilldéploie sa puissance quand il promet du « sang et des larmes » et frappe les esprits en promettant de « faire la guerre sur mer, sur terre et dans les airs ».
  • L’attention aux autres : l’écoute est indispensable pour entretenir de bonnes relations avec son environnement. Quand un leader prend le temps d’écouter, il développe sa capacité d’empathie, une qualité indispensable pour entretenir des relations basées sur le respect.
  • L’originalité qui frappe les esprits : les leaders charismatiques arborent tous des signatures vestimentaires : le bicorne de Napoléon, le cigare de Winston Churchill ou le T-shirt de Mark Zuckerberg. On les reconnaît entre tous.
  • L’élévation dans l’action : le maître mot est l’ambition, à laquelle il faut adjoindre la générosité dans l’effort. Jacques Welch patron de la « General Electric » disait qu’il en avait toujours fait plus qu’on ne le lui demandait.
  • La responsabilité assumée des choix et des actes : quand on assume sa vulnérabilité et que l’on reconnaît ses erreurs, on inspire le respect. La personnalité charismatique dit « Je » dans les échecs et « nous » dans les succès.

L’autorité naturelle se développe sur des dons uniques. Cependant, il est possible d’acquérir certaines clés qui permettront de devenir une personnalité charismatique.

Conseil du coach

Le charisme est une puissance duale : elle est intégrale et flexible. Pour progresser dans votre « montée en charisme » posez-vous donc chaque jour les questions suivantes qui renvoient à ces trois dimensions :

  1. Qu’ai-je d’unique ?
  1. Quelle vision ambitieuse et positive vais-je proposer aux gens qui vont adhérer à mon projet ?
  1. Quel niveau de risque suis-je prêt à prendre pour réaliser mes ambitions ?

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