La délégation est un contrat, fondé sur la confiance

La délégation est au cœur des pratiques managériales. Elle se prépare en amont. Les clefs du succès reposent sur la clarté du contrat, le choix du collaborateur, les moyens consentis, l’accompagnement  et aussi la reconnaissance du travail effectué. Une délégation réussie est un formidable levier de motivation pour celui qui se voit confier de nouvelles responsabilités.

« Le meilleur manager est celui qui sait trouver les talents pour faire les choses, et qui sait aussi réfréner son envie de s’en mêler pendant qu’ils les font. » Theodore Roosevelt

Scène de vie. Bernard expose à sa directrice de département les difficultés qu’il rencontre pour gérer ses différentes missions. Il ne s’en sort pas.

As-tu pensé à déléguer ? lui demande Claire.

Je voulais confier la réalisation du compte rendu annuel à Thomas. Cela m’aurait pris plus de temps pour le lui expliquer que de le faire moi-même. Sabine manque de rigueur. Et mon équipe est déjà débordée.

Claire lui rétorque qu’il y a dans son équipe des personnes capables de le seconder.

Bernard répond alors qu’il va déléguer à Pierre la conduite des entretiens d’évaluation annuels.

Non lui dit Claire, je tiens à ce que tu t’occupes personnellement de cette mission !!!!

Alors quand déléguer et comment ?

Qu’appelle- t – on la délégation ?

La délégation est un contrat entre un responsable et un membre de son équipe. La délégation vient du latin « delegare » qui signifie envoyer, confier, transférer. C’est un acte de management qui consiste à confier à un collaborateur un projet ou une mission dont on a la responsabilité. Cette délégation concerne un objectif précis, assortie d’une réelle autonomie. La responsabilité du manager reste engagée vis à vis des décisions et des activités de son collaborateur. De plus la réussite ou de l’échec de la mission incombe toujours au mandataire. « Déléguer, ce n’est pas perdre le pouvoir, mais en partager une partie« , déclare Christophe Emptaz, consultant en entreprise.

En revanche, la délégation de pouvoirs et de signature repose sur la transmission d’une responsabilité du dirigeant à une personne, nommément désignée. Elle implique une délégation des obligations imposées par les statuts et des responsabilités inhérentes à la fonction du dirigeant. Ainsi, le délégataire est tenu civilement et pénalement responsable des décisions prises dans le cadre de l’exercice du pouvoir transmis.

Les bénéfices d’une délégation maîtrisée

Une délégation réussie est un accord gagnant- gagnant pour :

  • le délégataire. Elle renforce sa motivation, sa capacité d’innovation, le développement de ses compétences et son autonomie. Il y a une forte dimension de mobilisation des énergies.
  • le mandataire. Elle libère du temps. Cette disponibilité nouvelle lui permet de prendre de la distance par rapport aux enjeux techniques et de s’intéresser aux équipes et à leur fonctionnement. Ce temps est indispensable pour prendre une longueur d’avance et donner du sens au travail des équipes. Elle permet aussi de sortir du cadre, de travailler sur son réseau et sur des partenariats potentiels.
  • l’entreprise. Cet outil permet de détecter et de développer de nouveaux talents en son sein.

Certaines missions du manager ne sont pas délégables : la mobilisation des équipes, l’anticipation, le contrôle, la discipline, la confidentialité d’un dossier, l’évaluation…La délégation, associée à la responsabilité, est un outil puissant de développement de ses collaborateurs.  C’est enfin un renforcement de l’efficacité et de la performance de l’équipe et, par voie de conséquence, de l’entreprise.

Les obstacles

Les freins à la délégation sont de nature personnelle ; ils sont liés à notre cadre de travail ou à la culture d’entreprise. Il est bien sûr plus facile d’agir sur les freins liés à soi-même que sur ceux liés à l’environnement. Quels sont donc les freins auxquels le manager est confronté ?

  • réalisation  d’une activité, hors du champ de ses responsabilités, parce que cela nous plaît ;
  • manque de confiance  en soi et/ou dans ses collaborateurs ;
  • absence de ressources et/ou de compétences dans l’équipe ;
  • manque de temps : c’est plus long d’expliquer que de faire !

Le dirigeant doit accepter de prendre un risque quand il confie une mission à un collaborateur. Il fait un pari sur sa capacité à la mener à bien. Un pari sur la confiance. La responsabilité finale qui incombe au manager est parfois difficile à assumer dans ces conditions. Entrer dans le cercle vertueux de la délégation nécessite de faire un état des lieux factuel et une introspection personnelle.

Les prérequis

Déléguer signifie autre chose que de « refiler la patate chaude » à un tiers. En premier lieu, le responsable doit accepter de déléguer, être convaincu de son intérêt et du bénéfice à en tirer. Ensuite, il est important de lister les activités potentiellement délégables : celles pour lesquelles on a aucune compétence ou qui nous éloigne du cœur de notre métier : créer un site internet pour un chef d’entreprise par exemple, ou assurer la prise de rendez-vous pour un médecin. Déléguer implique aussi de bien connaître ses collaborateurs : leur personnalité, leurs motivations, leurs acquis, leur potentiel et leur ambition. Cette connaissance s’acquiert durant l’entretien annuel d’évaluation, mais aussi au cours des échanges formels et informels du quotidien.

Déléguer exige enfin de faire confiance à ses collaborateurs et d’être prêt à assumer les échecs éventuels. Il est nécessaire d’accepter que le travail soit réalisé d’une façon différente, tout en atteignant un niveau de qualité suffisant dans des délais convenables.

Les différentes étapes

Tout le monde a intérêt à ce que la délégation réussisse. Pour réussir ensemble, je prends le soin de respecter certaines étapes :

  • préparer la délégation : définir clairement la nature de la mission : objectif, délais, degré d’autonomie, nature des ressources nécessaires ; sélectionner le collaborateur qui a les compétences requises ; prévoir les critères d’appréciation ;
  • réaliser l’entretien de délégation : objectif, moyens, résultats et modalités de suivi ;
  • Communiquer à l’équipe la responsabilité et l’autorité conférée au collaborateur ;
  • piloter la délégation : fixer les échéances, rester à l’écoute, tout en préservant l’autonomie du délégataire ;
  • débriefer : évaluer la performance du collaborateur en faisant un bilan des acquis et des lacunes, déterminer les points d’amélioration, sans oublier la  reconnaissance pour le travail effectué.

La délégation est indéniablement un investissement en temps pour un résultat parfois perçu comme décevant. Cependant, les bénéfices doivent être mesurés dans la durée.

La délégation et la qualité de vie au travail

La gestion de la délégation contribue à la qualité de vie au travail en satisfaisant les besoins fondamentaux définis par Abraham MASLOW, psychologue :

  • physiologiques, en assurant des ressources adaptées à la mission ;
  • de sécurité, en fixant un cadre clair et en adoptant un accompagnement bienveillant ;
  • d’appartenance, en étant intégré dans une équipe et en œuvrant pour la communauté ;
  • de respect de soi-même, en étant reconnu, apprécié, et en gagnant en autonomie ;
  • d’accomplissement, en développant de nouvelles compétences et en contribuant au succès de la mission collective.

La délégation comme outil de performance

Le leader est celui qui sait faire grandir ses collaborateurs, comme le souligne un proverbe chinois « donne un poisson à un homme, il mangera un jour ; apprends-lui à pécher, il mangera toujours ». Comment ? En leur confiant des responsabilités, parfois même en dehors de leur périmètre direct. Une délégation bien gérée a un impact direct sur la productivité.

  • En premier lieu, la montée en compétence et en autonomie du délégataire influence directement l’efficacité de l’équipe. Elle entraîne un accroissement de la confiance en soi et de la motivation.
  • De plus, faire progresser ses collaborateurs dans le respect de leurs rythme et prédispositions, favorise l’épanouissement individuel. En évitant de surcharger les uns et de dévaloriser les autres, la délégation génère un esprit de solidarité et la reconnaissance mutuelle des aptitudes de chacun.
  • Enfin, la délégation favorise la qualité de vie au travail, car les collaborateurs se sentent bien dans leur poste. Cette évolution améliore la productivité et diminue l’absentéisme et les dysfonctionnements divers.

Parce qu’un manager n’est ni soliste, ni homme-orchestre, mais avant tout un chef d’orchestre, il permet à ses collaborateurs de répéter des partitions de plus en plus complexes et contribue à la réalisation de l’œuvre collective. Ce faisant, il investit du temps au lieu d’en perdre.

Conseils du coach

En déléguant une responsabilité, un manager ne perd pas du pouvoir mais en partage une partie avec un collaborateur dont il a identifié les compétences et le potentiel. Déléguer est un acte de confiance raisonnée dans la réussite collective. Le manager accorde de l’autonomie à ses collaborateurs à l’intérieur du cadre de la délégation.

Le manager doit accepter que le travail ne soit pas fait tel qu’il l’aurait fait lui-même. Manager, c’est accepter une part d’imperfection chez ses collaborateurs.

Enfin, la délégation est une action dont le bénéfice se mesure sur le long terme et qui demande un investissement de temps au début.

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