« Donner du sens », une responsabilité du manager ?

Donner du sens à sa vie est une caractéristique humaine. Car l’être humain n’est pas fait pour exécuter une tache sans en connaître l’utilité. Dans le monde du travail, il s’agit de proposer à chaque salarié une vision qui va au-delà de sa fiche de tâches. L’enjeu est de donner du sens aux efforts de chacun.

 « Le rôle du manager, de l’enseignant, du maître, est d’enthousiasmer, de donner un sens au travail, un sens à l’éthique, un sens à l’équipe et une sensation de créer. » Didier Court, entrepreneur

L’homme et le sens

Enfant, à l’école, puis au travail, pour quoi est une question récurrente. Donner du sens à sa vie et à son environnement est une caractéristique humaine. Le mot « sens » est polysémique. En effet, il peut à la fois signifier la sensation corporelle, la direction et la signification. De ces trois sens, c’est évidemment le dernier qui nous interpelle le plus.  Longtemps ce sens lui a été donné par d’autres : la religion, la famille, les organisations sociales, le système politique… Mieux éduqué, plus autonome, l’homme ressent le besoin de donner un sens à sa vie. Nous faisons tous, à un moment ou à un autre, l’expérience que le sens est essentiel à notre existence. Levier de motivation, le sens est un stimulant personnel pour l’action et la créativité. L’être humain, au contraire du mouton de Panurge, n’est pas fait pour exécuter une tache sans en connaître l’utilité.

Le sens et le travail

Le travail est toujours une épreuve transformatrice personnelle. Un travail, porteur de sens, procure de la satisfaction à la personne qui l’effectue. Il fait appel à ses compétences et stimule le développement de son potentiel. En effet, les salariés ne se satisfont plus seulement de l’exécution des obligations figurant sur leur fiche de poste. Certains demandent à comprendre le contexte des décisions et à appréhender la stratégie des dirigeants. Comme le souligne le philosophe Emmanuel Mounier : « Tout travail travaille à faire un homme en même temps qu’une chose » Le travail est donc un haut lieu du sens. C’est une activité qui fait appel à notre humanité et souligne notre singularité. En effet, si tant de personnes souffrent aujourd’hui dans leur activité professionnelle, c’est, peut-être, parce que leur travail manque de sens.

Qu’en est-il de la « valeur » travail ?

L’étymologie latine du mot « travail » est « Trepalium ». Cela signifie « instrument de torture » ! De même, on a longtemps parlé de « labeur » pour qualifier le travail pénible ! Combien continueraient à exercer leur métier s’ils avaient gagné des millions d’euro au loto ? La réponse est proche de zéro ! « Le travail, sauf exception, n’est pas d’abord un plaisir ou une vocation, mais une contrainte. » nous rappelle le philosophe André Comte Sponville. C’est bien une valeur, mais c’est une valeur économique, une valeur marchande ! Le travail n’est pas une fin en soi : ce n’est qu’un moyen. Or, le propre de tout moyen est de servir à autre chose qu’à lui-même. Le travail n’est donc ni une valeur morale ni une fin en soi ; c’est pourquoi il doit avoir un sens.

Le sens au travail est en premier lieu dessence personnelle

Avant tout, l’entreprise n’a pas vocation à guider notre vie ou à faire notre bonheur. Souvenons-nous de l’allégorie des trois hommes qui taillaient des pierres avec les mêmes outils, au même endroit, sous les ordres du même contremaître. Un visiteur du chantier demande : que faites-vous ? Le premier, triste et agissant mécaniquement, dit qu’il taille une pierre. Le second, indifférent et méthodique, annonce qu’il taille une pierre pour construire un mur. Le troisième, passionné et appliqué, déclare qu’il taille une pierre pour bâtir une cathédrale. Seul le troisième est heureux car il est engagé dans une tâche qui a du sens. Cette allégorie montre l’importance de donner du sens à son travail, même s’il est difficile et fatiguant.

Quelle est la signification du travail à mes yeux ? Quelle est la valeur de mon travail ? Est-ce que la façon dont je réalise mon travail est conforme à ce que je suis ? Marianne Chailland, philosophe, nous rappelle  que « Cela consiste à ne pas travailler pour vivre – ni vivre pour travailler – mais à se sentir vivant dans son métier ». Pour autant, il appartient aussi à l’entreprise ou à l’organisation de proposer de participer à une aventure qui a du sens.

L’entreprise peut être porteuse de sens

L’entreprise, qu’elle soit spécialisée dans le commerce solidaire ou la taille des arbres, est porteuse de sens. En effet elle produit des biens ou des services qui seront utiles à des clients et à des usagers. De plus, elle donne du travail à des salariés. Le sens du travail repose sur une vision collective et partagée de l’organisation à laquelle on appartient. Par conséquent, celle-ci donne du sens aux efforts de chacun. C’est elle qui va expliquer en quoi le travail de chacun contribue à l’œuvre commune.

Cet alignement vertueux se concrétise dans la notion de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) des organisations. Bien que chacun soit différent, elle permet de trouver du sens dans sa vie professionnelle. De surcroît, il faut qu’il y ait une cohérence entre la vision, les valeurs, le discours et les pratiques managériales. En somme, un environnement de travail qui respecte l’équité, la dignité et l’autonomie des salariés renforce le sens du travail des salariés.

Le « Brown-out » ou la perte de sens au travail

Le Brown-out peut se définir comme le manque de sens dans son travail quotidien, notamment du fait de tâches rébarbatives et non stimulantes. Le découragement gagne probablement du fait d’une déception, d’un déficit d’information, d’un manque de reconnaissance, … A la différence d’une fatigue passagère, le Brown-out est, en fait, une pathologie chronique. « C’est une baisse de tension et d’attention au travail, une prise de conscience brutale de l’absurdité de son métier». Dit le Docteur François Baumann, spécialiste des pathologies liées à la souffrance au travail. En effet, c’est un tiraillement entre une activité chargée de tâches et un travail vide de sens. On observe une perte de repères qui conduit à douter de l’utilité de l’action. Baruch Spinoza, philosophe du 17ème siècle éclairait déjà le phénomène : « exécuter une tâche sans connaître les raisons pour lesquelles on le fait se révèle source de mal-être. »

Le manager est un professionnel du désir

En fait, l’homme passe une grande partie de son temps au travail. Dans ces conditions, le manager œuvre pour rendre ce temps enrichissant et bien orienté. Celui qui ne travaille que pour un salaire, n’a aucune raison d’en faire plus que le strict minimum. Finalement, le cœur de la motivation, ce n’est pas forcément l’argent, c’est le désir. « Le désir est l’unique force motrice » écrivait Aristote. En réalité, nous sommes des êtres de désir. En somme, un manager est d’abord un professionnel du désir de l’autre.  Le « marketing » managérial crée les conditions pour que les collaborateurs soient heureux de travailler avec vous dans cette entreprise-là. Dans ces conditions, la qualité de vie au travail touchent de nombreux secteurs : la santé, la sécurité, le management, l’organisation du travail, la valorisation des compétences, la gratitude, l’information.

Conseil du coach

En premier lieu, le manager est un porteur de sens de l’action collective. D’autre part, il façonne l’environnement professionnel de ses équipes. Enfin, il accompagne la réalisation professionnelle de chacun de ses employés. Cet animateur de la communauté au travail est un :

  • relais de la culture et de la stratégie de l’entreprise : dire pourquoi plutôt que d’expliquer comment !
  • garant de l’utilité du travail réalisé, en donnant des orientations claires et cohérentes avec la mission de l’entreprise !
  • facilitateur de l’épanouissement professionnel de ses collaborateurs : accueil, apprentissage, formation, promotion, reconnaissance… !
  • responsable de la qualité des relations managériales : stabilité émotionnelle, exemplarité dans l’attitude, respect mutuel, leadership moral, communication !
  • promoteur de l’autonomie des salariés : confiance, droit à l’erreur, périmètre de responsabilité !
  • garant de l’ambiance au sein de l’équipe : équité, justice, solidarité, écoute, information, sécurité, organisation du travail !

1 Comment
  1. Le sens est l’essence personnelle. Nous carburons tous au pourquoi (en un mot) comme au pour quoi (en deux mots). L’employeur qui donne (sic!) du travail le fait parce qu’il a un besoin à traiter et parce qu’il estime que les coûts engendrés seront rentables. Le travailleur qui n’aime ni ne trouve de sens à son labeur espère que sa rémunération compensera son manque de sens. Celui qui y trouve un sens qui lui convient (et qu’il partage avec ses partenaires professionnels, y compris son employeur) accomplira une œuvre plutôt qu’un simple travail.

    Le Monde cite un petit livre d’Alain Supiot, ex-Professeur au Collège de France :
    « Considérer le travail comme une marchandise pourrait porter à croire que les formes de travail qui lui échappent encore, comme les professions libérales ou la fonction publique, sont appelées à se marginaliser. Alain Supiot y voit au contraire « les germes possibles d’un nouveau statut du travail qui fasse place à son objet c’est-à-dire l’œuvre accomplie – et pas seulement à sa valeur d’échange », explique-t-il.« 

    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2019/10/30/la-lecon-de-cloture-d-alain-supiot-la-fiction-du-travail-marchandise-doit-se-terminer_6017386_1698637.html

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