Nos émotions et nos sentiments restent pour beaucoup d’entre nous des troubles incompréhensibles. En effet, peu d’états dégagent autant de mystère que les émotions. Elles dépendent de notre culture, de notre éducation, de notre sexe ou de notre pays d’origine. En fait, les émotions nous rendent vivants mais nous perturbent.
« Sans les émotions nous serions des machines et notre existence serait grise » Boris Cyrulnik
Scène de vie : Le monde des émotions est souvent perçu comme une véritable terra incognita. Et pourtant tout être humain doit vivre avec elles au quotidien. Véronique doit intervenir lors de l’assemblée générale de son entreprise. Elle connait son sujet et a l’habitude de s’exprimer en public. Pourtant au moment de prendre la parole, une boule s’insinue dans la gorge et sa respiration s’accélère. Peut-elle contrôler son émotion ou doit-elle l’accueillir pour mieux reprendre le fil de son intervention ?
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Une émotion est un phénomène physiologique spontané, qui ne dure guère plus que quelques minutes. Elle traverse le corps et induit des réactions musculaires, hormonales, neurologiques et immunitaires. Les émotions sont innées, automatiques et inconscientes. Elles sont une véritable interface de communication entre le cerveau et le corps. Les émotions renvoient toutes à deux états affectifs primaires liés à deux sensations physiques : le plaisir et la douleur. Elles sont souvent confondues avec les sentiments comme l’amour et la haine qui sont, eux, plus stables et plus durables. Ainsi les sentiments sont des « émotions qui durent ».
Celles-ci nous confèrent notre humanité. En effet, il n’existe pas d’émotions négatives, ni d’émotions positives car toutes sont nécessaires et précieuses. Chacun les vit d’une manière différente. Nos émotions sont l’expression de notre ressenti face aux personnes et aux situations. Elles correspondent donc à la façon dont nous les percevons ou les interprétons.
Les différentes catégories
Selon les courants en psychologie, il n’y a pas le même nombre d’émotions de base. Une étude, publiée dans la revue Current Biology, et l’analyse transactionnelle suggèrent qu’il y aurait 4 émotions primaires universelles : la joie, la tristesse, la peur et la colère. Celles-ci sont innées à chaque bébé, quel que soit le lieu de sa naissance. Elles sont le fruit de notre héritage, de notre éducation et aussi de notre vécu émotionnel. Les travaux du psychologue américain Paul Ekman, affirment qu’il y a 6 émotions de base : il ajoute la surprise et le dégoût. En réalité, toutes nos réactions émotives sont là pour nous aider à nous adapter à chaque situation de notre vie. Leur intensité, leur force et leur importance sont en rapport avec le vécu de chacun.
Pourquoi avons-nous des émotions ?
L’émotion est un véritable mécanisme de traitement de l’information très rapide, implanté en nous à une époque immémoriale. « Les émotions ont toujours une cause, qu’il s’agisse d’une cause extérieure (un événement qui nous contente ou nous agresse), ou d’une cause liée à des états biologiques (comme la fatigue ou le manque de sommeil) ou encore à des représentations mentales» dit Christophe André, psychiatre et psychothérapeute spécialiste de la méditation et de la pleine conscience. Cependant un même déclencheur peut entraîner des réactions émotionnelles différentes, selon les individus. La cause des émotions ne se situe donc pas à l’extérieur de nous mais bien à l’intérieur de nous en fonction de notre façon de percevoir le monde. Elles sont naturelles, automatiques et inconscientes.
A quoi servent nos émotions ?
Elles ont plusieurs fonctions : elles nous permettent de vivre ensemble, de communiquer et d’évoluer. Les émotions nous rendent vivants, Elles contribuent à notre protection et nous aident à identifier nos besoins pour mieux les satisfaire. L’émotion a une valeur de signal.
- La peur est un stimulant. Elle survient face un danger, dirige le sang vers les jambes, ce qui prépare à l’action ou à la fuite. Selon Will Schutz, les trois peurs sociales sont la peur d’être insignifiant, d’être incompétent, de ne pas être sympathique.
- La colère a mauvaise réputation car on l’amalgame à la violence. Pourtant, elle peut être aussi vitale en fournissant l’énergie nécessaire pour franchir un obstacle. La colère libère une foule d’hormones, dont l’adrénaline.
- La joie, euphorisant et désinhibiteur naturel, stimule la production d’hormones du plaisir, permet de mieux s’intégrer à un groupe et d’accomplir avec enthousiasme toutes les tâches qui nous incombent.
- La tristesse favorise le repli sur soi pour faire le travail de deuil nécessaire après une épreuve. » Les larmes contiennent à peu près dix fois plus d’hormones de stress que le sang « , indique Marc Schwob, chercheur en neurophysiologie. Pleurer est donc la manière la plus naturelle d’extérioriser sa peine.
Les émotions sont le tableau de bord de notre corps
L’homme ne ressent jamais de perception pure. Chaque parole, geste, parfum, image, goût, est immédiatement “interprété” par son affectif. « Sans les émotions nous serions des machines et notre existence serait grise » explique le psychiatre Boris Cyrulnik Elles nous permettent de tirer le plus de satisfaction possible de chaque moment et d’éviter les obstacles et les pièges qui se trouvent sur notre route. C’est un peu comme un système de guidage très sophistiqué qui nous amène à notre principal objectif : la satisfaction de nos besoins.
C’est pourquoi les émotions sont capitales. Il est important d’apprendre à les écouter, les distinguer, à les comprendre et non à essayer de les refouler. En effet plus on tente de lutter contre elles, plus leur intensité augmente. Les émotions agréables nous indiquent que nos besoins sont satisfaits et les émotions désagréables nous signalent qu’un besoin est insatisfait. Ce sont les voyants du tableau de bord de notre corps : ils s’allument lorsqu’il y a un dysfonctionnement ou lorsque tout est clair.
Comprendre et accueillir les émotions des autres
Nos actes et nos paroles font rarement l’unanimité. On peut décevoir ou choquer nos relations. A la suite de nos échanges, nous créons des émotions agréables ou désagréables chez nos interlocuteurs. Ceux-ci peuvent donc s’énerver et montrer leur déception ou leur frustration. A l’origine de leur irritation, nous avons un rôle à jouer dans leur capacité à contrôler leurs émotions. Nous avons vu qu’il y a un lien entre émotion et besoin insatisfait. Il faut donc éviter de juger la réaction de notre interlocuteur et de faire preuve de stabilité émotionnelle. Il est préférable d’en prendre acte et de se concentrer sur la recherche du besoin insatisfait. Cette attitude vise à questionner son interlocuteur sur les raisons de son mécontentement, de sa frustration ou de sa déception. Ce dialogue permet à celui-ci de clarifier ses besoins, voire de réévaluer sa réaction.
L’intelligence émotionnelle
De nombreuses personnes n’ont même pas conscience de ressentir une émotion. Souvent, il nous arrive de considérer nos émotions comme des obstacles, des erreurs ou des faiblesses. Or la perception de nos émotions est la clé de voûte de l’intelligence émotionnelle. Percevoir ses émotions réclame d’observer leurs apparitions et leurs effets. Identifier et comprendre l’émotion que l’on ressent laisse le libre choix de la réaction. C’est le « Connais-toi toi-même » de Socrate. Une autre croyance sociale laisse penser que les émotions sont le résultat d’un manque d’intelligence ! Les scientifiques ont su prouver le contraire. C’est ainsi que Daniel Goleman, journaliste au New York Times spécialisé dans les sciences du comportement, a inventé le concept d’intelligence émotionnelle. Il la définit comme la « capacité à réguler ses émotions et celles des autres, à les distinguer et à utiliser ces informations pour guider sa pensée et ses actions ». Dans ce cadre le langage a un rôle crucial dans l’identification des émotions. Ainsi enrichir son vocabulaire émotionnel permet de nuancer les émotions que l’on ressent et de les identifier plus finement.
Conseils du coach, en s’inspirant du protocole T.I.P.I. (Technique d’identification sensorielle des peurs inconscientes)
La plupart des gens tentent vainement de contrôler leurs émotions en les refoulant. Cette attitude est vaine et crée davantage de perturbations qu’elle n’apporte de solutions. Prendre ses sentiments et ses émotions au sérieux, les considérer comme des indices importants et savoir en tenir compte. En s’inspirant de ces trois principes, on s’assure de mener une vie psychologiquement saine et de ne pas s’enfermer dans des problèmes qui n’iront qu’en s’aggravant.
Lorsque vous ressentez une émotion, je vous propose de détailler le protocole T.I.P.I.:
- Retrait: je ferme les yeux et je m’isole pour me déconnecter, m’isoler de la perturbation afin de m’occuper de moi, en sécurité.
- Identification: je mets des mots sur mes ressentis. Nommer l’émotion permet de la rendre plus accessible.
- Acceptation: je laisse évoluer ces sensations, sans rien faire, jusqu’à l’apaisement. Il est capital de ne pas gérer et de refouler les moyens de contrôle de l’émotion mis en place au fil du temps : respiration, méditation, échappement de la pensée,…
- Compréhension: je porte mon attention sur mes réactions corporelles, à la manifestation des sensations physiques (respiration, cœur, gorge, ventre, main,…)
Bien sûr, dans le cas Véronique, il n’est pas possible de fermer les yeux et de s’isoler. Cependant, à postériori, cette méthode permet d’éliminer durablement l’intensité de cette émotion dans votre corps.
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