Bien vivre dans l’incertitude

L’incertitude est le moteur de l’évolution du monde. Celui-ci est plus incertain parce que chaotique. Il est plus chaotique car nous sommes plus nombreux, plus connectés et que tout va plus vite. Le chaos n’est ni bien ni mal. Au-delà du « point de déclenchement » nous pouvons, soit subir l’effondrement, soit favoriser une émergence.

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter. » Emmanuel Kant

L’incertitude est inséparable de la vie

Dans un certain nombre de circonstances de la vie, nous devons prendre des décisions et agir en pleine  incertitude. Tout d’abord, l’incertitude prend sa racine du latin certitudo, qui vient de certus, signifiant discerner, décider. Somme toute, il est étonnant de constater qu’incertitude et décision proviennent de la même racine qui veut dire couper, trancher.

En regardant notre environnement proche ou plus lointain, peu de choses sont certaines dans le temps. Ainsi, que ce soit les relations avec les autres, la santé, le travail, le logement, notre situation économique, notre statut, notre connaissance, etc., tout cela peut changer à tout moment, et parfois même de manière brutale.

L’activité militaire, agricole, financière s’exerce avant tout dans des contextes où l’incertitude est permanente. Carl Von Clausewitz, officier et théoricien militaire prussien traite de l’incertitude sur les champs de bataille. Il perçoit la guerre comme intrinsèquement instable, incertaine, complexe et ambiguë. Il utilise à cet égard le terme de « brouillard de la guerre » pour désigner l’incertitude et l’ambiguïté des opérations militaires.

Le monde est plus incertain

Certes tout change, évolue, se régénère en permanence depuis la nuit des temps. Le changement aujourd’hui est imprévisible. L’incertitude est le moteur du développement car elle souligne le besoin d’intelligence et l’ardente nécessité de prendre des décisions. Sans elle, le monde pourrait être géré par un ordinateur. Ainsi le monde dans lequel nous vivons est plus incertain pour essentiellement trois raisons :

  • Tout d’abord, nous connaissons une explosion du nombre d’êtres humains. Nous avons mis 3 millions d’années pour atteindre le premier milliard d’habitant autour de 1850. De fait, la population mondiale dépassera les 8 milliards dans moins de 5 ans.
  • Ensuite, nous sommes beaucoup plus connectés entre humains.  Il y a aujourd’hui plus de forfaits mobiles actifs que d’êtres humains vivants sur la planète. Plus d’un habitant sur deux utilise une connexion Internet.
  • Enfin, les transitions actuelles sont plus rapides, changent d’échelle et concernent tout le monde en même temps.  Dans l’histoire de l’humanité, la transition de la chasse-cueillette vers l’agriculture-élevage se compte en milliers d’années. Celle vers la révolution industrielle a pris quelques centaines d’années. La transition vers la révolution numérique quant à elle n’a duré que quelques dizaines d’années. C’est-à-dire l’échelle d’une vie !

« Le monde est plus incertain car il est plus chaotique » nous dit Bruno Marion , futuriste, auteur et conférencier.

Que nous apprennent les théories du chaos ?

En fait, les systèmes complexes comme un organisme, une société, un cerveau ou l’univers sont des systèmes chaotiques. L’équilibre de ces systèmes est dynamique et non statique. Dans la théorie du chaos, le chaos n’est pas le désordre mais l’ordre fluctuant qui s’établit entre des éléments en interaction. Un système peut avoir plusieurs états :

  • En premier lieu, l’équilibre : dans ce cadre, un système peut être stable et linéaire. Il n’évolue pas.
  • En second lieu l’oscillation : tel un balancier, le système effectue des va-et-vient autour d’une position d’équilibre. A ce stade, il est encore prévisible et sous contrôle.

A partir d’un  seuil, appelé « point de déclenchement », les oscillations s’amplifient jusqu’au point de rupture. Au-delà de ce point, il n’y a pas de retour possible en arrière.

  • Enfin, il y a deux possibilités :
  1. Soit l’effondrement : ainsi Rome, première ville au monde à 1 million d’habitants, a vu sa population passer à 50 000 habitants, 50 ans après la chute de l’empire romain ! L’industrie du CD a perdu 70% de son chiffre d’affaires en 5 ans.
  2. Soit l’émergence d’un nouvel état : le système trouve un nouvel équilibre à un niveau de complexité plus élevé.

« Nous sommes le résultat de ces émergences » nous dit Bruno Marion. Certes, le chaos a une connotation négative pour la plupart des gens. Or, c’est un état de non contrôle : le chaos est ni bien, ni mal. En fait, dans un monde incertain, les théories du chaos nous permettent de mieux voir et mieux comprendre l’état de nos organisations.

L’adaptation à l’incertitude

L’incertitude n’est pas chose négative, elle fait partie de la vie, elle en est le piment. De fait, que serait un film sans suspense, un livre sans intrigue, une vie sans surprise !

Par ailleurs, l’incertitude est parfois une source de stress et d’anxiété. En effet, elle génère des remords après un choix, augmente la procrastination et la tentation du court terme.

En fonction de nos personnalités nous avons chacun notre réponse naturelle :

  • Plus de contrôle, de travail, de planification (listes, syllabus, process,…) pour les uns,
  • Une ouverture aux opportunités et aux alternatives qui se présentent pour les autres.

En réalité ces deux attitudes ne doivent pas rester figées dans le marbre, ni basculer dans l’excès. Ainsi, dans le yin-yang chinois, chaque couleur a un peu de l’autre en elle-même. Autrement dit, il n’y a pas de yin sans un point yang dedans, et inversement.

Selon la théorie du chaos, nous pouvons  voir et comprendre les différentes évolutions et les crises ; Nous avons, de fait, la possibilité de nous impliquer dans l’émergence de nouveaux équilibres. A vrai dire, il n’y a pas de fatalité. Nous pourrons alors choisir d’œuvrer à l’émergence et de ne pas subir l’effondrement.

La résilience pour naviguer dans l’incertitude

Un monde chaotique, c’est donc un monde avec plus de crises, souvent reliées entre elles, et s’amplifiant les unes les autres. L’idéogramme chinois de la «crise» comporte à la fois les significations danger/risque et chance/opportunité. De même, Bruno Marion, « le moine futuriste », nous rappelle que l’action est possible : « Aujourd’hui nous sommes dans un bateau en pleine tempête. Pour favoriser une émergence et éviter un effondrement, définissez votre vision et votre rêve,  ancrez-vous dans des rituels. Cette démarche personnelle est aussi valable pour une organisation : le dirigeant doit définir une vision et fixer des règles qu’il doit partager (contamination positive) et faire appliquer. »

Conseil du coach : « prospérez dans l’incertitude »

En fait, chacun est capable de surmonter ses doutes, de dépasser ses peurs et de taire ses frustrations. Quelles sont donc les clés pour favoriser une émergence et éviter un effondrement ?

  • Tout d’abord, regarder l’incertitude en face. Accepter l’incertitude sans essayer de la nier ou de la refouler.
  • Rester connecté avec ses valeurs. Se rapprocher de ce qui est essentiel et fondamental pour soi.
  • Créer des choix là où il semble ne pas y en avoir. Imaginer un futur durable, en phase avec vos convictions.
  • Définissez votre rêve, partagez-le, visualisez-le, lisez-le tous les matins. Prenez toutes vos décisions en s’alignant sur votre rêve.
  • Le contrôle ne fonctionne pas en cas d’effondrement. Mettez en place un ensemble de règles, de rituels et de routines que vous testez, que vous adaptez puis que vous adoptez ou que vous rejetez.

Cette démarche personnelle est aussi valable pour une organisation : le dirigeant doit définir une vision et fixer des règles qu’il doit partager et faire appliquer.

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