La légitimité au cœur de la crédibilité du manager

La notion de légitimité est entourée d’une certaine imprécision. Elle prend sa source en son for intérieur et s’épanouit dans le regard des autres. S’appuyant sur la confiance en soi et sur la loi, la légitimité représente le socle d’une autorité reconnue et acceptée. Pour un manager, c’est un élément primordial.

« Pour toute société humaine, l’absence de légitimité est une forme d’apesanteur qui dérègle tous les comportements. » Amin Maalouf

Scène de vie : Karine est nommée directrice du bureau de Paris d’une grande banque internationale. Elle est responsable d’une cinquantaine de collaborateurs. A son arrivée, Karine décide de modifier certaines règles de fonctionnement en vue d’améliorer la rentabilité du bureau. Ses collaborateurs trainent les pieds car pour eux leur nouveau chef n’est pas légitime. En effet les responsables du siège ont conservé la main sur l’octroi des primes, des heures supplémentaires et la mise en formation. Leur fidélité va à celui qui a le pouvoir de sanction et de récompense !

Qu’est-ce que la légitimité ?

Le terme « légitimité » provient du latin « legitimus » : fixé par les lois, conforme aux lois. Les dictionnaires ne sont guère précis sur la notion de légitimité : le droit reconnu de parler et d’agir au nom de principes, de valeurs, de règles, de lois … Le dictionnaire des notions philosophiques la complète : ce qui est « conforme non seulement aux lois mais aussi à la morale, à la raison, à l’équité ».  En fait elle se trouve dans la réponse à cette question simple : « qu’est ce qui me donne le droit de confier une tâche à un collaborateur ? ». L’essence de ce droit réside dans la légitimité, « c’est-à-dire dans sa conformité à des valeurs reconnues, au nom de l’efficacité de l’agir » selonC. Maccio, ouvrier, syndicaliste, écrivain. La légitimité est la capacité d’une personne ou d’un groupe à faire accepter son autorité par les membres d’une communauté.

Légitimité et confiance en soi

Dans la vie privée comme dans la vie professionnelle, la légitimité est importante. Même si elle s’épanouit dans le regard des autres, elle se construit à l’intérieur de l’être humain. Se sentir légitime fait référence à la notion « d’avoir le droit ou pas », « de se sentir capable ou non », « d’oser ou pas » ! Cette confiance repose aussi sur l’expérience acquise dans les postes précédents. Un manager doit se sentir légitime dans son rôle pour qu’il soit perçu comme tel par son équipe. S’il a des doutes sur le fait qu’il est bien à sa place, le manager rencontrera vraisemblablement des difficultés dans l’exercice de sa mission. La confiance en soi est une réserve d’énergie puissante pour l’action. Elle permet d’avoir le sentiment d’être légitime pour fixer des objectifs, prendre des décisions, conduire les changements et animer des équipes.

Légitimité, autorité et pouvoir

L’autorité est « le droit de commander et d’imposer l’obéissance » selon le petit Robert. Le chef, investit d’une autorité, apporte une plus-value, un avantage à la collectivité.  Elle est une interaction entre le chef et ses subordonnés dans laquelle ces derniers acceptent de suivre les directives du premier. Sans reconnaissance ni acceptation, l’autorité n’est que pouvoir. Or le pouvoir est matériel et singulier dans une relation déséquilibrée. L’autorité est personnelle et relationnelle. Elle est incarnée par son détenteur. C’est pour cette raison que la légitimité est le socle de l’autorité. Elle repose sur des bases juridiques, éthiques et morales.

Les fondements de la légitimité

Max Weber a proposé« Les trois types purs de domination légitime » : un caractère traditionnel, un caractère rationnel et un caractère charismatique.

  • La légitimité traditionnelle est fondée sur le respect des coutumes. Ces dernières donnent au détenteur de l’autorité un pouvoir que lui confèrent l’histoire et la culture de l’organisation : le fils du fondateur, le diplômé de grande école, le dauphin adoubé.
  • La légitimité rationnelle repose sur la règle. Le supérieur hiérarchique est en droit de donner des directives, de par son statut et sa position hiérarchique au sein de la structure.
  • La légitimité charismatique est liée à la personnalité d’un chef qui fait preuve d’un véritable leadership. Elle est fondée sur la reconnaissance par la société du caractère exceptionnel de cette personnalité : Napoléon, de Gaulle, Churchill.

Quelle que soit le fondement de sa légitimité, le manager devra toutefois faire ses preuves auprès de ses équipes, prouver qu’il mérite cette légitimité et le respect de son équipe. Ces légitimités sont de nature exogène et endogène.

La légitimité liée au statut

Le statut est un fondement exogène de la légitimité. En effet le statut du dirigeant, de chef de service ou de manager est délivré par l’organisation. Celui-ci ne s’est pas autoproclamé à son poste. Cette responsabilité lui a été confiée par la direction de l’entreprise ou par le conseil d’administration.  Il est donc naturel que l’autorité supérieure « l’installe » dans cette fonction pour que celui-ci soit statutairement légitime. Cette installation peut s’accompagner d’une symbolique, voire d’un cérémonial particulier. Ce rite fait partie des besoins de toute autorité.

Le cérémonial militaire en est un bel exemple. Le chef militaire reçoit son autorité de la loi. La cérémonie au cours de laquelle il est investi, par sa solennité et ses symboles, inaugure sa prise de fonction. « Sans la grandiloquence des rites, on n’aurait de force pour rien » Amélie Nothomb dans Les Célibataires. Elle favorise aussi la transition rapide de l’autorité et l’adhésion initiale des membres de l’équipe. Cette légitimité statutaire et hiérarchique doit être renforcée par les autres piliers de la légitimité.

Les piliers endogènes de la légitimité

Les fondements endogènes reposent sur les qualités personnelles, les compétences professionnelles, les valeurs et les motivations du chef. La personnalité du manager est une composante essentielle de sa légitimité managériale à travers son exemplarité, sa capacité à donner du sens à l’action et l’attention portée à ses collaborateurs. C’est en étant lui-même exemplaire sur les qualités attendues de ses collaborateurs que le manager assoit sa légitimité, installe la confiance et suscite la performance. Le sens du travail repose sur une vision collective et partagée de l’organisation à laquelle on appartient. Les compétences que possède le manager doivent lui permettre de remplir pleinement ses fonctions telles que décrites par H. Fayol en 1916 : prévoir, organiser, coordonner, commander et contrôler. Enfin, celui-ci est légitime s’il est porteur et vecteur de la culture d’entreprise. Celle-ci regroupe un ensemble de valeurs, mythes, signes, croyances et tabous partagés par les membres de l’entreprise. Cette culture d’entreprise contribue à une vision commune de tous les salariés.

Les entraves à la légitimité 

La légitimité reste une donnée fragile tant aux yeux du manager que des collaborateurs. Elle résulte d’une évaluation régulière des actions du manager au fil des évènements. Dans ce contexte il arrive que des facteurs extérieurs bousculent sa légitimité. Ceux-ci peuvent provenir de la hiérarchie :

  • Court-circuiter un manager en s’adressant directement à son équipe.
  • Désavouer un manager en satisfaisant la demande d’un collaborateur contre l’avis de son manager de proximité.

Ce type de comportement donne au manager l’occasion d’exprimer son désaccord, de préciser les règles du jeu et de poser ses limites que ce soit vis-à-vis de la hiérarchie ou de son équipe.

Ces obstacles peuvent également venir de son comportement ou de ses collaborateurs :

  • « Copiner » avec son équipe.
  • Diriger des profils plus expérimentés et/ou plus âgés que le manager.

Dans les deux cas le manager doit clarifier ses besoins pour dépasser la gêne ou la solitude qu’il ressent. Ce challenge lui donne ensuite l’occasion de réfléchir à un positionnement différent.

Conseils du coach

Le fait d’occuper un poste ne suffit pas à être légitime aux yeux de ses collègues et de ses subordonnés. La légitimité se fonde sur la confiance du chef, son statut, sa compétence et son pouvoir d’influence. Cependant, elle s’appuie encore davantage sur ses capacités personnelles et son comportement. La légitimité ne se décrète pas, elle se mérite. La construction ou l’amélioration de la légitimité du manager repose sur :

  • L’officialisation de sa position statutaire et la clarification de son périmètre de responsabilité.
  • L’établissement de relations de confiance avec sa hiérarchie et d’un climat de coopération avec ses pairs.
  • La définition des règles de fonctionnement avec ses collaborateurs.
  • L’alignement de ses comportements avec ce qu’il demande à son équipe.

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