Le pardon, c’est dire oui à la vie

Nous avons tous été blessés, meurtris par notre entourage et nous avons été à notre tour les auteurs de l’agression. Le pardon est difficile car le passé nous fait apparaitre faibles et vulnérables. Pourtant le pardon est un processus nécessaire à vivre ! Il n’est ni tolérance, ni réconciliation, ni banalisation, ni oubli, ni marque de faiblesse, c’est la seule voie qui mène à la guérison et à la libération. Sa pratique permet de minimiser colère, anxiété et amertume. Sans pardon la vie est gouvernée par le ressentiment et la vengeance.

Pardonner est la valeur des courageux. Seul celui qui est assez fort pour pardonner une offense sait aimer“. Mahatma Gandhi

Scène de vie : Jérôme et Dorothée sont frères et sœurs. Ils sont brouillés depuis quelques années à l’occasion d’un évènement familial. Chacun d’entre eux a été blessé et s’est senti victime ! Ils nourrissent à l’encontre de l’autre une rancune qui empoisonne leur relation et pèse sur la vie familiale. Etouffés par leurs ruminations, ils se sont engagés progressivement dans un processus de destruction de leur relation. Alors qu’il semble insurmontable de s’excuser, comment le pardon peut-il les libérer de leur colère ?

Le pardon est une porte qui s’ouvre

Le pardon peut s’entendre de manière différente selon le contexte : religieux, philosophique, psychologique, social ou politique. D’un point de vue étymologique, le pardon provient du latin « per et donare ». Il désigne l’action de « donner complètement », « de remettre ». Le pardon est une démarche de changement qui initie la guérison personnelle des maux causés, notamment ceux qui créent l’insatisfaction. Il nous décharge du fardeau de l’évènement. Le pardon est le moyen de se libérer de l’étau de la haine et de s’alléger du poison émotionnel du ressentiment, dont les effets toxiques touchent en premier lieu ceux qui le ressentent. 

Pardonner, c’est arrêter de s’auto-intoxiquer avec la rancune, l’amertume ou la colère. C’est donc un processus de guérison, qui apporte un surcroît notable d’énergie et de joie de vivre.

Ce travail de pardon, c’est avant tout un don de soi… que l’on se fait à soi-même. Je me pardonne et je pardonne à l’autre parce je suis co-créateur de la situation.  Par ce don que je me fais, j’entrouvre ainsi une porte vers un nouvel avenir.

Le pardon dans les grandes religions

S’il appartient au patrimoine commun des religions du Livre, ce terme trouve sa spécificité chrétienne dans la figure du Christ, dont toute la vie est jalonnée de signes de pardon, jusqu’à sa dernière parole : “Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font”. Le pardon, dans l’enseignement chrétien, est un acte d’amour qui se vit dans la grâce infinie de Dieu.

Le judaïsme demande à “faire techouva”, pour obtenir le pardon de ses transgressions. Cela consiste à opérer un retour sur soi, une prise de conscience de ses actes, pour améliorer sincèrement sa conduite.

Pour le bouddhisme, le pardon est une condition de croissance spirituelle et d’éveil. Considérer l’autre avec bienveillance, non pas comme un agresseur, permet de se libérer de ses contraintes et de s’élever.

L’islam possède une approche pragmatique du pardon, illustrée par ce verset coranique : “Dieu veut alléger pour vous les contraintes, car l’humain fut créé faible…”. Le pardon divin agit ainsi comme une compensation à cette faiblesse originelle. En revanche, le pardon se mérite. Le croyant doit le gagner par la repentance.

Réaction du mental à une offense 

Le pardon intervient après un évènement, une interaction, une agression qui va créer une blessure émotionnelle plus ou moins profonde. Lorsque quelqu’un ou un évènement nous blesse, le premier réflexe de notre mental et de notre ego est de le revivre et de le ruminer. « Si j’avais fait autrement, si j’avais dit autre chose, si j’avais été là, si j’étais passé par une autre route, si… ». Mais cela ne fonctionne pas. Cette attitude vise à nous apporter un certain confort dans une situation inconfortable. L’offense isole et rend méfiants. Lorsqu’on choisit de cultiver l’offense, on se laisse ronger de l’intérieur.

De retour dans la réalité, la blessure est toujours là car elle n’est pas cicatrisée. Le premier sentiment qui émerge, c’est la rancœur. La blessure est dans le cœur, donc le mental et l’ego ne peuvent rien pour la guérir ! La guérison passe par le pardon.

Le pardon libère et guérit

Le pardon n’excuse, ne justifie et n’efface rien. Il se distingue de l’oubli par la décision de ne plus perdre de temps avec l’offense. « Un sage s’empresse de pardonner, parce qu’il connaît la valeur du temps et ne peut souffrir de le voir s’écouler en vaine douleur. » nous rappelle Samuel Johnson, auteur britannique.

Le pardon, c’est arrêter de se faire du mal à cause d’une personne qui nous en a fait. L’objectif du pardon est de parvenir à lâcher ce qui enchaîne et empêche d’avancer. Le pardon apporte la libération en acceptant la réalité de ce qui a été fait. En pratiquant ce nettoyage, il permet de trouver un nouvel élan de vie en s’alignant sur ses valeurs.

Ce qui fait mal ne se trouve pas uniquement dans ce que la personne vous a fait ! Ce qui fait du mal, c’est comment nous le percevons à ce moment-là. Comment résonne-t-il en nous ? Tout cela nous incombe ! L’extérieur n’est que le révélateur de ce qui se vit à l’intérieur de nous. Ce qui est à pardonner, ce sont nos propres schémas de pensées, nos jugements négatifs et nos croyances qui créent notre propre souffrance.

Le pardon au cœur de notre liberté intérieure

La notion de « conquête de sa liberté intérieure » a été développée par les stoïciens comme Epictète. Elle a été reprise peu après par les Pères de l’Eglise et par Saint Jean Chrysostome. La liberté intérieure obéit à la loi de notre cerveau et de notre esprit. Bien connaître la force de nos habitudes, de nos émotions, de nos conditionnements va nous permettre de faire exister cette liberté intérieure et de l’entretenir. Epictète dit que « Personne ne peut être blessé que par lui-même ». Il existe au sein de l’être humain un espace que personne ni aucun gouvernement ne peut affecter. C’est là où réside notre liberté intérieure qui nous ouvre la voie à la guérison et au pardon. Ce même thème a été développé par Victor Frankl, survivant du camp d’Auschwitz, dans son livre « Man’s Search for Meaning ».

Pourquoi est-ce si difficile de pardonner ?

On a tous du mal à pardonner. Plus on a mal, plus il est difficile de pardonner. « Les 3 choses les plus difficiles dans ce monde sont : garder un secret, pardonner un grief et profiter du temps. » nous dit Benjamin Franklin, un des pères fondateurs des Etats-Unis. Demander pardon implique de reconnaître ses torts et d’accorder plus d’attention à l’autre qu’à soi-même. Or nous préférons avoir raison et rejeter sur l’autre l’origine de la faute.

Certaines personnes pensent que le pardon est une preuve de lâcheté, un aveu de faiblesse.         Je pense plutôt qu’il faut une grande force intérieure pour pardonner. Cela demande de la volonté, du courage et de la patience. En particulier lorsque nos entrailles nous réclament de nous venger. C’est d’autant plus difficile lorsque la blessure a été causée par quelqu’un que nous aimons ou que nous respectons. On dit ainsi que pardonner est un acte de générosité. C’est le résultat d’un dialogue avec soi-même, face à face.

Les bienfaits du pardon

Le pardon, c’est quelque chose que l’on fait pour soi-même, pas pour l’autre. C’est arrêter de SE faire du mal pour ce que quelqu’un nous a fait.  Le pardon, c’est se libérer de ses maux. Dites oui à la vie et non à ce qui vous fait mal. Le passé, c’est comme une boule de « haine » en bouche. Arrêtez de chiquer cette petite boule, issue de votre passé et de vos rancœurs. Crachez-là une bonne fois pour toute car elle pourrait vous tuer à petit feu !

Des études médicales ont démontré que les personnes qui pardonnent vivent plus longtemps. De plus elles sont moins sujettes aux pathologies que les personnes qui manquent de faire œuvre de pardon.

Les étapes du pardon

  • Choisir de ne plus souffrir en sortant de la violence subie. Au cours de cette phase je fais un pas de côté et je mets de la distance avec le responsable de ma douleur.
  • Reconnaitre que la faute existe. L’acceptation va permettre de transformer le passé pour passer à autre chose. Le passé existe. Inutile de chercher à oublier l’offense. Ce mécanisme de défense enfouit la souffrance dans l’inconscient. Sa force destructrice continue d’opérer avec encore plus de violence et sournoisement.
  • Manifester sa colère. Pour lancer le processus, la victime doit en vouloir à son «bourreau», c’est-à-dire accepter que sa propre souffrance s’exprime. Agressivité, colère, voire haine sont utiles dans un premier temps. Elles sont un signe de bonne santé.
  • Cesser de se sentir coupable. La plupart des offensés se sentent paradoxalement coupables de ce qui leur est arrivé. Tenter de savoir quelle part de nous-même a été blessée permet de relativiser la souffrance qui l’accompagne. Est-ce notre orgueil, notre réputation, notre honneur, notre intégrité physique ou notre ego ? 
  • Comprendre celui qui nous a blessé. Haine et ressentiment peuvent aider à survivre à une agression à court terme. Cependant ils nous détruisent à long terme. Pour en sortir, il est utile d’essayer de se mettre dans la peau de l’offenseur. Il s’agit de chercher à voir la personne autrement qu’à travers le mal qu’elle a infligé.
  • Prendre son temps. Pardonner automatiquement en écartant le mal qui nous ronge revient à le nier. Il faut vivre le processus car seul le temps va permettre de pardonner. Il y a un temps pour digérer les choses, les accepter et alléger leur charge émotionnelle. Le temps de cicatrisation est proportionnel à la blessure.

Le conseil du coach

Pardonner, c’est conserver les enseignements bénéfiques qui m’ont aidé à devenir plus fort, plus résilient, plus humain, sans cautionner les actes ou les propos des autres.

Ruminer les offenses du passé, revivre ces difficultés, revient à être victime de nous-mêmes. Et celui qui nous a fait mal, il y a quelque temps, se transforme en bourreau. Aujourd’hui, le bourreau est absent. En revanche la blessure est toujours là. Nous sommes victimes de nous-même.

Un courant d’air se développe toujours avec deux ouvertures. Quand on est dans la colère, il n’y a qu’une ouverture. Quand on a l’humilité et le courage de chercher sa part de responsabilité dans ce qui nous arrive, on arrête d’en vouloir à l’autre. Cessons de penser que c’est l’autre qui doit changer. Le pardon s’exerce en tout premier lieu envers soi-même.

Laisser un commentaire