« Les résolutions sont comme les anguilles ; on les prend aisément. Le diable est de les tenir. »
Alexandre Dumas
« Pourquoi faire aujourd’hui ce que l’on peut remettre à demain ? » Cette question vous a peut-être déjà traversé l’esprit. Si certains se la posent à la légère, du bout des lèvres, d’autres l’appliquent au pied de la lettre, préférant remettre les choses à plus tard. Qu’en est-il pour vous ? Pratiquez-vous l’art de reporter vos affaires, c’est à dire la procrastination ?
Scène de vie : Romain a une plume facile et n’a aucun souci à écrire des articles sur Linkedin. D’ailleurs la liste des posts sur le réseau social en mode brouillon prouve cette compétence. Il tire du site l’essentiel de ses contrats grâce à la communication de ses articles. En revanche il a du mal à franchir le cap du mode « publier ». Les raisons de retarder celle-ci sont nombreuses : peur du jugement, perfectionnisme, distractions, effort d’illustration, de choix des mots clés… Romain procrastine, comme nous le faisons tous, plus ou moins souvent.
Que signifie procrastiner ?
Le mot procrastination vient du latin – procrastinare – qui signifie « différer, remettre au lendemain ». La procrastination est donc « un retard volontaire d’une action prévue en dépit de la connaissance que ce retard peut être préjudiciable tant aux performances qu’à la manière dont la personne se sent vis-à-vis de la tâche ou d’elle-même » d’après Timothy Pychyl, professeur de psychologie. Cela s’applique majoritairement aux tâches de la vie quotidienne qui rebutent ou qui demandent un effort : activités sportives, tâches ménagères, rendez-vous médicaux, papiers administratifs… Bien souvent, les activités ou actions à réaliser sont remplacées par des occupations secondaires, non urgentes et plus attractives.
Pour Isabelle Barth, enseignante-chercheuse à l’École de management de Strasbourg, la procrastination « nous renvoie à notre rapport au temps« . Le procrastinateur choisit délibérément de reporter une tâche qu’il a pourtant décidé de réaliser, même s’il sait qu’il devra en souffrir. Nous sommes tous atteints de procrastination plus ou moins aiguë. D’ailleurs, à l’instant où vous lisez cet article, je suis sûr que vous pensez à 2 ou 3 tâches sur lesquelles vous procrastinez.
Les causes de la procrastination
Ces causes sont multiples et personnelles : mauvais objectifs, anxiété, manque d’intérêt, de motivation, perfectionnisme, paresse, estime de soi, distractions…
La procrastination est rarement causée par une mauvaise organisation mais plus généralement pour des raisons d’ordre émotionnel. Du point de vue neurologique, le cerveau évalue en permanence la valeur d’une action selon une balance bénéfice/effort : d’un côté, le circuit de la récompense (cortex préfrontal et striatum ventral) évalue le bénéfice, de l’autre, le système de l’effort (cortex cingulaire et insula) anticipe l’effort à fournir. La compétition entre ces 2 réseaux produit un bilan permet au cerveau de déterminer s’il faut s’engager dans l’action. Quand le bénéfice est trop lointain ou trop léger, le coût devient prédominant. En fait, la procrastination découle de l’incapacité à gérer les émotions provoquées par le choix à faire entre une tâche contraignante à faible récompense et une tâche peu contraignante à récompense plus importante et immédiate.
La procrastination, un mal de notre époque
Selon un sondage ODOXA de 2019, 85% des français indiquent être sujets à la procrastination. En fait nous avons de plus en plus de tâches auxquelles nous devons penser. Ainsi, la charge mentale que nous subissons est de plus en plus forte. Donc nous n’avons pas moins de temps, nous avons de plus en plus d’opportunités à gérer. Enfin, Internet, réseaux sociaux, jeux vidéo, chaines de télévision, … sont autant de distractions disponibles qui sont de bonnes raisons de procrastiner. La tentation peut alors être forte de se détourner de ses objectifs, en particulier en télétravail ! Selon Diane Ballonad Rolland, coach, formatrice et auteure, la procrastination aurait augmenté de 300% en 40 ans. Son constat rejoint celui des experts comme Julien Vion, maître de conférences, ou du psychothérapeute Bruno Koeltz : notre époque accentue la tendance à la procrastination. Pour Julien Vion : « Après-guerre, il était difficile d’avoir accès aux distractions, donc notre circuit du plaisir devait faire face à beaucoup d’obstacles pour être satisfait. Aujourd’hui, l’accès à des plaisirs nombreux est plus simple.» En d’autres termes, nous procrastinons plus facilement aujourd’hui, du fait d’une profusion de plaisirs instantanés auxquels nous pouvons avoir accès.
Procrastination et perfectionnisme
Parmi les facteurs qui influencent l’habitude à reporter ses tâches, le perfectionnisme se retrouve à la première place. Le perfectionniste a des standards plus élevés que la plupart des autres individus. En premier lieu, c’est un avantage pour accomplir un travail de qualité. Toutefois, cela peut aussi devenir un inconvénient si l’on n’est pas capable de gérer la frustration liée à la réalisation, de temps en temps, de tâches un peu moins parfaites.
Il y a une relation entre procrastination et perfectionnisme. On se ment à soi-même, en se persuadant qu’on le fera quand on sera prêt. En fait, personne n’est jamais parfaitement prêt. Si en plus d’être trop exigeant envers vous-même, vous êtes trop sensible aux jugements de votre entourage professionnel ou privé, il vous sera encore plus difficile de passer à l’action. La peur du jugement des autres peut être associée à une faible estime de soi.
Or, souligne Charles Pépin, professeur de philosophie, « Ce qui donne confiance, c’est de passer à l’acte. »
Conséquences de la procrastination
Les conséquences de la procrastination sont une accentuation du stress, une perte de temps, un sentiment de culpabilité, des opportunités ratées, des regrets ainsi qu’une stigmatisation sociale.
- La procrastination génère souvent une sensation de stress. Quand vous savez que vous devez faire quelque chose, mais que vous ne le faites pas, vous créez une charge mentale. Toutes ces tâches, trainant dans un coin de votre tête, vous préoccupent.
- La procrastination allonge le temps d’accomplissement de vos tâches. Celle qui pourrait être accomplie en une heure vous prendra plusieurs jours parce que vous procrastinez.
- Quand vous repoussez vos tâches, vous culpabilisez. Vous savez au fond de vous que vous ne devriez pas le faire et vous vous en voulez.
- La procrastination peut vous faire rater des opportunités. Si vous avez une opportunité de promotion, mais que vous repoussez sans arrêt votre décision, quelqu’un d’autre finira pas prendre votre place.
- La procrastination peut entrainer des regrets. Si vous voulez monter un projet qui vous tient à cœur mais que vous le repoussez sans arrêt, vous finirez par ne pas le faire et vous le regretterez.
- Ce comportement provoque une stigmatisation sociale car il peut être interprété par l’entourage comme de la paresse, un manque d’ambition…
Selon une étude Omnibus de 2019, la procrastination impose souvent d’effectuer des tâches importantes dans l’urgence et donc parfois de les bâcler. Elle peut aussi être liée à des difficultés de concentration.
Combattre la procrastination
La procrastination n’est pas un trait de personnalité, c’est un comportement. Pour l’enrayer, encore faut-il l’identifier. Comment peut-on combattre la procrastination ?
- Identifier les facteurs de risques : à quel moment et dans quelles circonstances procrastinons-nous ? Pour quelles raisons ? Quelles sont les émotions qui nous habitent ?
- Fractionner les tâches en les scindant en micro objectifs successifs, plus faciles à réaliser, prendre conscience des objectifs atteints, en se récompensant à chaque étape.
- Ne pas fixer la barre trop haute. On ne commence pas sa journée en voulant construire un mur. Il est préférable de poser une première brique aussi parfaitement que possible, puis la suivante. Cela engage dans l’action et donnera davantage envie d’achever … le mur !
- Identifier ce que l’on a à perdre à cause de son inaction. Nous devrions donc prendre le temps de visualiser les conséquences de notre inaction. Exemple : « Je ne vais pas payer ma contravention. Très bien, je vais donc recevoir un avis majoré. » Je vais devoir passer du temps à négocier une diminution de ce surcoût.
- Apprécier sa notion du temps. La question du temps est centrale dans la procrastination puisqu’on est toujours en retard. Les personnes concernées ont souvent un problème avec l’estimation du temps que peut prendre telle ou telle action, avec une franche tendance à en sous-estimer la durée nécessaire. Ainsi, l’action n’est pas ou mal effectuée, non parce que la tâche était trop difficile mais parce qu’on n’y a pas consacré assez de temps.
- Déléguer. Il vaut mieux déléguer toutes les taches qui ne sont pas importantes, que les autres peuvent accomplir mieux que vous, qui coûtent trop en termes de ressources humaines et/ou matérielles.
- Limiter les distractions. Qu’il s’agisse de téléphone portable ou de toute autre situation pouvant affecter le niveau d’attention, comme les distracteurs, il est indispensable d’apprendre à savoir poser vos limites.
Conseils du coach
Nous fonctionnons tous différemment et peut-être qu’éradiquer complètement votre tendance à la procrastination n’est pas une priorité, sauf bien sûr si elle nuit à votre vie professionnelle, à votre travail en équipe ou à votre capacité à mener à bien vos projets.
La procrastination est une vicieuse tendance consistant à remettre les choses au lendemain. C’est un problème parce qu’elle provoque du stress dans notre vie, nous fait perdre du temps, culpabiliser ou manquer des opportunités et peut, parfois, nous faire vivre dans le regret.
- Priorisez, limitez vos activités et alternez celles qui sont « à plaisir immédiat » avec celles qui présentent le plus de difficultés.
- Segmentez les tâches en sous actions plus faciles à réaliser.
- Planifiez des séquences pendant lesquelles vous ne devez rien faire d’autre que la tâche prévue.
- Organisez vos activités en fonction des jours ou des horaires où vous êtes habituellement le plus productif.
- Passez en mode « urgence » quand les blocages résistent, en vous fixant vous-même un délai impératif à ne pas dépasser.
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