« Lorsqu’il n’y a plus de mots, ne cherche ni à parler, ni à penser à autre chose. Le silence a sa propre éloquence. Parfois, plus précieuse que les paroles. » Elisabeth Kübler – Ross
La communication est comme la musique, elle est faite de sons et de silence. Comme la parole, le silence fait partie intégrante de la communication. Pour cela, il est nécessaire de savoir communiquer pour échanger et aussi de savoir se taire pour prendre ou donner la parole. Stratégie, tactique de communication, le silence reste une denrée rare, qui fait parfois peur et que nous ne sollicitons qu’avec parcimonie.
Scène de vie : Patrice est un manager humain, compétent et proche de ses collaborateurs. Pourtant il lui arrive parfois de s’emporter et de vociférer. Cette absence de stabilité émotionnelle agace profondément certains de ses collaborateurs. Face à ces éclats, Julie a décidé de se taire et de lui faire face dans le silence le plus total. Cette attitude a le don d’énerver Patrice. Pourtant c’est ce positionnement qui, en mettant fin prématurément à l’échange, ramène le calme. Le silence a-t-il des vertus ?
La parole est d’argent, mais le silence est d’or
Sur le plan étymologique, le silence vient du latin « silentium » soit l’absence de bruit. Notre environnement sonore, bruits indésirables, intempestifs ou volontaires, est rarement calme. Notifications sur le téléphone, musique, jeux vidéo, tondeuse, télévision, électroménager, souffleur de feuilles, circulation automobile sollicitent nos conduits auditifs. Entre explicite et implicite, entre le dit et le non-dit, entre silence forcé et silence voulu, le silence revêt tant de significations qu’il fait aussi peur qu’il fascine.
Dans la communication, le silence peut être un moyen d’expression : faire une pause, marquer une approbation, une respiration, une injonction, une hésitation ou encore révéler un malaise. Il peut aussi être considéré comme un instrument de menace et de pression.
L’absence de mots aura également une signification quant à l’état de la relation interpersonnelle : attrait, rejet, accord, désaccord, attention, congruence, complicité, confiance. Elle est enfin une indication de l’état émotionnel de votre interlocuteur : honte, culpabilité, plaisir, acceptation, colère, joie. En fait, le silence est un des acteurs des relations interpersonnelles.
Le silence dans la communication
Un expert en communication s’intéressera autant à ce qui est dit qu’à ce qui est tu. Nos réactions, nos micromouvements, notre micro langage sont aussi importants voire plus que nos mots. Le silence a une signification, à condition de savoir l’écouter pour la découvrir. Contrairement aux idées reçues, le silence est bien une forme de communication car il exprime quelque chose. Comme sa signification est complexe à décrypter, son interprétation est délicate. Il peut avoir de nombreux sens :
- colère contenue ;
- temps de réflexion ;
- peur de n’avoir rien à dire ou d’oser prendre la parole ;
- acceptation ;
- incompréhension;
- incapacité d’exprimer sa souffrance, son chagrin ou sa douleur ;
- mise en retrait, volonté de s’isoler.
La communication non verbale – silences, gestes, postures, expressions faciales, ton de la voix, rythme de l’élocution, vêtements – complètent le message verbal.
Apprivoiser le silence
Apprivoiser le silence, c’est arrêter de le meubler par du bruit. Même quand l’espace dans lequel nous nous trouvons est silencieux, nous sommes souvent portés à le remplir avec de la musique, une émission de télévision ou en entrant en conversation avec quelqu’un directement, par téléphone ou par texto.
Eliminer ces bruits parasitaires permet d’accéder à nos pensées et d’écouter ce qui se passe en nous. Cependant, cette démarche doit être progressive comme tout changement que nous souhaitons implanter dans nos vies. Quelques pistes pour remettre du silence dans nos vies :
- instaurer une routine de «pause silencieuse» en restant en silence, par exemple, au lever et avant de dormir ;
- prendre un temps de calme avant d’entamer une activité (manger, travailler, etc.) ;
- aller dans des lieux silencieux comme une bibliothèque, un musée, une église, un lieu de commémoration, la nature… sans coller systématiquement des écouteurs sur nos oreilles ;
- percevoir les moments de silence comme étant des espaces de réflexion, de découverte de soi et non comme du temps de perdu, une menace ou un malaise.
Il y a un temps pour toute chose, un temps pour se taire et un temps pour parler.
Une porte vers notre espace intérieur
Une fois apprivoisé, le silence procure de nombreux bienfaits. En fait, il peut se révéler très puissant. C’est une force car c’est dans le silence que l’on peut se recentrer sur soi-même et qu’émerge la véritable réflexion.
- le silence révèle quelque chose de profond, de sobre et de riche sur le caractère de celui ou celle qui sait écouter. Il donne une image de quiétude et de profonde tranquillité ;
- le silence nous aide à retrouver ce calme intérieur dans le tumulte du quotidien. C’est par le silence que l’on peut revenir en nous-mêmes, découvrir qui l’on est, et ce que l’on veut vraiment. Le silence nous apporte la quiétude dont nous avons besoin ;
- c’est dans le silence que réside notre force. La véritable force est intérieure. Elle est morale et spirituelle. Le silence permet la rencontre avec soi.
Bernanos écrivait, en 1942 : « on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure ». Or, pour celle-ci, le silence est un sanctuaire. C’est aussi une arme redoutable. Il est une des clés du charisme : s’il est important de savoir parler, il l’est encore plus de savoir se taire.
Les bénéfices pour la santé
Si le fourmillement de la vie peut être rassurant, plusieurs études montrent que le silence est bénéfique pour la santé. S’isoler dans sa bulle favorise la conscience du moment présent, soulage le stress, ralentit les battements du cœur et stimule le cerveau.
- être attentif et conscient de ce qui se passe autour de soi réduit l’anxiété, comme lors d’une méditation ;
- il peut aider à réduire le niveau de stress en abaissant le taux d’adrénaline et de cortisol dans le corps. Il aide à fluidifier la circulation sanguine ;
- il y a un lien entre exposition au bruit et maladies cardiaques, en particulier l’hypertension. Le silence ralentit le rythme des battements du cœur et améliore la qualité de notre sommeil ;
- Apaiser l’esprit stimule la croissance du cerveau. Dans le silence, notre cerveau est moins sollicité. En effet celui-ci a besoin de temps pour penser, réfléchir et se reposer. Mais également pour classer ce qu’il a déjà appris et faire le ménage ;
Blaise Pascal, philosophe français du 17ème siècle, a dit : “Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.”
Les avantages du silence dans la prise de parole
Les bons orateurs savent manier les silences. Écoutez le discours des hommes politiques. Notez la façon dont ils ponctuent leurs phrases : avant chaque idée importante, un bref silence prépare le terrain et crée l’attente pour que le mot qui suit s’ancre profondément dans les esprits.
En effet, il est nécessaire à la parole car il introduit un espace de respiration. Insérer un silence dans votre prise de parole, c’est également offrir à votre interlocuteur une pause qui lui permet d’assimiler les informations que vous lui adressez.
De plus, il arrive parfois de perdre le fil sous l’effet du trac. Marquer un temps d’arrêt, c’est aussi l’occasion pour l’orateur de respirer et de visualiser le schéma mental de son discours afin de reprendre le fil conducteur.
Enfin, nombre d’entre nous ont tendance à utiliser des mots parasites dans leurs prises de parole : euh… alors… écoutez… Ces petits mots qui reviennent régulièrement ont pour objectif d’éviter le vide. Pourtant, ces mots perturbent nos prises de paroles et sont gênants pour nos interlocuteurs.
Le silence n’est jamais un vide mais un souffle entre les mots et la respiration, permettant la compréhension, l’échange de regards et le partage des émotions.
Comment réagir au silence de l’autre ?
Le silence est une forme de communication particulière : face au silence de l’autre, il peut être difficile de réagir et donc d’avoir la réaction adéquate. Signe de réflexion ou d’écoute, il peut aussi être l’expression d’une douleur, d’une fermeture ou d’une incompréhension,. Selon nos caractères et notre état d’esprit, ce silence peut vite nous faire sortir de nos gonds ! Or, nous devons apprendre à respecter le silence, à comprendre qu’il s’agit d’un mode de communication par-delà des mots.
Conseils du coach
Se taire et écouter sont des signes d’intelligence plutôt que de faiblesse, des signes de respect et de compréhension envers l’autre. Souvent, les mots s’enfoncent comme des poignards dans le cœur de celui qui les reçoit. Le silence, si tant est qu’il soit bien interprété, permet d’apaiser les tensions et de faire part de ce qui nous dérange.
Le processus de la communication non violente, mis au point par Marshall B. Rosenberg, propose de clarifier ce qui se passe en soi, de communiquer vers l’autre, en recevant et en écoutant ce que l’autre me dit. Il s’agit en particulier d’utiliser le « Je » pour parler de ce que l’on ressent. Ecouter, réfléchir un moment et répondre prendra un minimum de temps avant que cela ne devienne naturel.
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