Le syndrome de l’imposteur est une expérience que la plupart des gens connaissent au moins une fois dans leur vie. Le plus important est de ne pas laisser nos doutes, nos questionnements et nos incertitudes nous submerger jusqu’à nous paralyser. Comment faire taire cette petite voix intérieure qui nous dévalorise et nous empêche d’avancer ?
» Les seules limites de nos réalisations de demain, ce sont nos doutes et nos hésitations d’aujourd’hui. » Eleanor Roosevelt
Scène de vie : Joëlle vient d’être promue manager. En changeant de fonction, elle change de poste et de secteur d’activité. Tout d’abord, elle est heureuse et flattée. Très vite, des pensées négatives lui trottent dans la tête : « refuse, tu n’en es pas capable, d’autres sont meilleurs que toi… » Chargée de contrôler une équipe plus expérimentée techniquement, sans formation spécifique de manager, elle ressent un sentiment de doute et se laisse gagner par le stress. « Je ne me sens pas à la hauteur, les autres ont beaucoup plus d’expérience que moi. Ils vont rapidement s’en rendre compte ! »
Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur ?
Le « phénomène » de l’imposteur a été défini en 1978 par deux psychologues, Pauline Rose Clance et Suzanne Imes. Elles parlent bien de phénomène, pas d’une pathologie. Pourtant le terme de syndrome s’est rapidement imposé. C’est une forme de doute qui amène celui ou celle qui en souffre à nier ses mérites et à minimiser ses succès. Ce phénomène les persuade à tort qu’ils ne sont pas assez légitimes pour créer une entreprise, démarrer un projet ou prendre la responsabilité d’une équipe. Ces personnes sont convaincues qu’elles dupent leur entourage et craignent d’être démasquées un jour ou l’autre.
Appelé également syndrome de l’autodidacte, ce sentiment empêche celles et ceux qui en sont victimes de donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils ne se sentent pas à la hauteur, incapables d’y arriver. Les personnes souffrant de ce syndrome n’acceptent que difficilement les félicitations ou les compliments. En effet, ils attribuent leurs succès à un concours de circonstances extérieures : la chance, l’aide de leurs relations ou encore la bienveillance de leurs collègues.
Origine du syndrome de l’imposteur
Le Docteur Tara Swart, psychiatre et neuroscientifique anglaise, nous précise que le syndrome existe depuis la nuit des temps. Il serait lié à la peur d’être rejeté par sa communauté. Il remonte à l’époque où l’appartenance sociale était un élément clé de la survie. La tribu permettait de se nourrir, de se protéger du froid et de se défendre. C’est pourquoi le syndrome est pernicieux : si vous êtes rejetés par le groupe, vous devrez chercher votre nourriture tout seul, vous défendre tout seul, ce qui vous rendra plus vulnérable. En dépit des évolutions formidables depuis cette époque, cette peur primaire demeure. Aujourd’hui, elle remet en cause notre sentiment de sécurité dans la société. La peur réside donc dans le fait que nos proches démasquent nos faiblesses et nous rejettent.
Qui en est atteint ?
Le syndrome de l’imposteur peut toucher tout le monde, y compris des personnes compétentes, douées, voire brillantes. En dépit des preuves objectives attestant de leur réussite, celles-ci s’auto-déprécient. En effet, selon Pauline Rose Clance, le syndrome affecterait 70 % des individus au moins une fois dans leur vie. « A partir du moment où le syndrome de l’imposteur est suscité par le sentiment de sa propre différence dans un environnement donné, n’importe qui peut l’éprouver. » nous explique Cyrielle Bedu, journaliste. Contrairement à ce qu’on a pu dire, les femmes et les hommes sont égaux face au syndrome de l’imposteur. Trois types d’environnement favorisent la naissance du syndrome : idéalisation de l’enfant, manque de reconnaissance, comparaison dans la famille ou dans l’environnement professionnel. Enfin on retrouve aussi ce type de comportement parmi les personnes qualifiées de haut potentiel, les surdoués, les profils atypiques, les perfectionnistes et les bourreaux de travail.
Les trois piliers du syndrome de l’imposteur
Le doute est généralement un formidable moteur de progrès. En revanche, le manque de confiance en soi et la remise en question permanente entravent l’épanouissement personnel et professionnel. D’où l’importance de détecter les manifestations de ce syndrome à travers nos ressentis : entendez-vous parfois cette petite voix dans la tête ?
- « Nathalie serait bien meilleure que moi sur ce projet ». traduit un sentiment d’illégitimité qui indique que je ne suis pas à ma place.
- « C’est de la chance, rien de plus. » montre un manque de fierté vis-à-vis de ses réussites et une difficulté à accepter les marques de gratitude.
- « Et si je n’y arrivais pas ?» révèle uneforte anxiété liée à la peur d’être démasqué et d’être en situation échec.
- « Je suis loin d’être une experte ». dissimule un dénigrement de soi, de ses talents et de ses compétences.
- « J’aurais pu faire mieux » signale une mise sous pression démesurée liée à un perfectionnisme et à une forte exigence personnelle.
- « Ne me félicitez pas, c’est grâce à l’équipe » incarne un manque de confiance en soi typique des « imposteurs ».
Kevin Chassangre, docteur en psychologie, évoque ainsi les 3 piliers du syndrome de l’imposteur : l’impression de tromper son monde, la peur irrationnelle d’être démasqué et la mauvaise attribution de sa réussite à des facteurs extérieurs.
Impact du syndrome de l’imposteur
Enfermée dans un cercle vicieux, la personne qui souffre du syndrome met en œuvre une « stratégie » d’auto-sabotage. Au moment d’atteindre leur objectif, ces personnes vont se mettre en échec par des comportements ou des actions inconscientes. Face à un objectif à atteindre, cette stratégie induit deux types de comportements :
- Un surinvestissement dans le travail ou dans la relation qui laisse à penser que le succès provient de sa force de travail plutôt que de son talent.
- L’anticipation de l’échec, avec une motivation et un investissement volontairement freinés : procrastination, prise de délai inadaptée, tenue inadéquate pour un rendez-vous important…
Ainsi, si on ne parvient pas au résultat voulu, en dépit du temps et de l’engagement, on validera son incompétence et la pensée qu’on en est incapable. La conséquence directe de ce cercle vicieux est l’apparition d’un stress permanent. Ces troubles de dévalorisation peuvent conduire vers la dépression ou un épuisement professionnel.
Comment s’en défaire ?
Le traitement principal consiste à retrouver la confiance. Dans son ouvrage « Imparfaits, libres et heureux », le psychiatre Christophe André montre que le syndrome de l’imposteur est en réalité la manifestation d’une faible estime de soi. La personne qui en souffre a donc une vision déformée du regard que les autres portent sur elle. Ce sentiment traduit, bien souvent, la façon négative dont elle se perçoit elle-même. Pour cela :
- Cesser de vouloir plaire à tout le monde ou de rechercher systématiquement l’approbation des autres.
- En finir avec la quête de la perfection et faire la paix avec ses limites.
- Etre fier de ses succès. Concentrez-vous sur vos réussites et vos victoires. La route du succès n’est pas toujours facile, et vous devriez être fiers de votre parcours. Après tout, nous apprenons beaucoup de nos échecs.
- Accepter les compliments.
En fait, il est indispensable de retrouver son authenticité. En reprenant contact avec votre vrai moi, il ne sera alors plus nécessaire de présenter à son entourage une image de façade.
Détecter le syndrome de l’imposteur chez un collaborateur
Source de stress et de culpabilité, le phénomène de l’imposteur est difficile à détecter. De peur d’être « démasquées», les personnes qui en souffrent vivent dans la dissimulation permanente. Ce comportement peut avoir des répercussions sur elles-mêmes, sur l’équipe, voire sur l’entreprise. De plus le sentiment d’imposture s’intensifie généralement lorsque l’individu a des responsabilités. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de reconnaitre les signes.
- Exigence personnelle ! respect des consignes, des délais, sens du détail, obstination, perfectionnisme. Ces personnes envisagent le travail comme un sacerdoce et ont souvent tendance au sacrifice.
- Fausse modestie : les personnes souffrant de ce phénomène passent souvent pour des personnes modestes en dépit d’un travail supérieur à la moyenne. Leur investissement en temps et leur implication semblent démesurés, car elles ont peur de faire des erreurs.
- Minorisation des succès : “je n’y suis pour rien”, “j’ai eu de la chance”, “tout le monde en est capable”.
- Tendance à différer les décisions, du moins celles qu’il juge importantes. Cela n’a rien à voir avec l’incompétence mais avec la peur d’être démasqué en cas d’erreur. Il pratique la stratégie de l’esquive au moment de faire lepoint.
En somme, il est difficile de reconnaitre une personne souffrant du syndrome de l’imposteur, car elle usera de stratagèmes pour masquer ce qu’elle croit être de l’imposture.
Conseil du coach
L’aspect mouvant du syndrome de l’imposteur a conduit nos deux psychologues à qualifier le « phénomène » de passager. Ce terme a une dimension moins dramatique. Ainsi la première étape consiste, pour l’individu, à en prendre conscience, de façon à pouvoir l’accepter et le surmonter.
Dans son livre « le complexe de l’imposture », le docteur Pauline Rose-Clance propose un test qui évalue votre ressenti par rapport au syndrome de l’imposteur. Il a été développé pour aider les personnes à déterminer si elles ont ou non des caractéristiques du syndrome de l’imposteur et, si c’est le cas, à quel point elles en souffrent.
Répondez le plus spontanément possible à toutes les questions. L’interprétation de ce test dépend du contexte dans lequel vous vivez. Elle est influencée par votre situation passée mais aussi présente. Il peut être intéressant de le refaire périodiquement pour en déduire une tendance sur le long terme.
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