Le triangle de Karpman appartient à la famille des jeux psychologiques. Le concept met en œuvre 2 à 3 protagonistes qui interagissent pour vivre une communication biaisée. Le modèle est résolument dynamique car une même personne pourra successivement jouer les trois rôles. Invariablement, une séquence relationnelle dans le Triangle Dramatique finit mal dans la mesure où aucun des acteurs n’en sort grandi.
« Les humains sont d’accord de s’aider mutuellement à souffrir. Si vous avez besoin qu’on vous maltraite, vous trouverez facilement quelqu’un pour le faire. » Don Miguel Ruiz
Scène de vie : Rémi est chef de projet d’une société de service et d’ingénierie informatique. Le nouveau client est particulièrement exigeant et lui met la pression. Rémi, qui vit mal cette pression, se pose en Victime. Il se plaint auprès de ses collègues et de son manager du harcèlement qu’il subit de la part de son client (Persécuteur). Nadine, manageur, endosse le rôle de « Sauveur » en volant au secours de son chef de projet.
Prendre conscience des jeux psychologiques
En observant la répétition des comportements humains, Éric Berne, psychiatre et fondateur de l’Analyse Transactionnelle, a mis en évidence les « jeux psychologiques » : « Un jeu est une série de transactions cachées, complémentaires, progressant vers un résultat bien défini, prévisible. »
Le « jeu » se situe aussi bien dans la relation aux autres qu’avec soi-même. Nous avons dans la vie des rôles préférés, des » costumes », que nous endossons pour combler certains besoins. C’est comme un jeu de pouvoir. Nous tournons autour de nos rôles et de nos interlocuteurs sans jamais développer une communication efficace. Dans notre quotidien professionnel et personnel, sous la pression du stress, nous invitons inconsciemment l’autre (conjoint, parent, patron, collègue, collaborateur, enfant, …) dans un jeu psychologique.
Comprendre le triangle de Karpman
Le triangle de Karpman, appelé aussi triangle dramatique, est le fondement des jeux psychologiques. Modèle inventé en 1968 par Stephen Karpman, psychiatre, le triangle est figuré pointe vers le bas, indiquant que la relation est instable. Elle se joue entre deux, trois ou plusieurs personnes. Cette théorie met en évidence notre aptitude à jouer des rôles dans nos relations humaines. La communication est perturbée lorsque les protagonistes adoptent ces rôles plutôt que d’exprimer leurs émotions ou leurs convictions. Nous avons tous besoin de reconnaissance. Pour y parvenir, nous choisissons des postures de manière conscientes ou non, afin d’attirer l’attention d’autrui.
Il existe une infinité de jeux différents, et Stephen Karpman va définir trois rôles principaux : le sauveur, le persécuteur et la victime. Lorsque l’on « joue » l’un de ces trois rôles, notre communication devient toxique. Nous pratiquons TOUS, inconsciemment ou non, ces trois postures dans notre quotidien. Nous adoptons celles-ci lorsque nous sommes en situation de conflit. Car, dès lors qu’un triangle de Karpman s’installe, la communication relationnelle repose, non plus sur des faits ou sur leur lecture objective, mais sur la posture symbolique (le rôle) adoptée par chacun. La relation prend un tour dramatique.
Identifier les différents personnages
Dans cette relation dramatique, Stephen Karpman distingue trois comportements dans lesquels chacun des trois acteurs trouvera une réponse à ses propres attentes en jouant son rôle :
- la victime tire des bénéfices du fait d’être persécutée : elle reçoit de la compassion et son attitude lui évite prendre ses responsabilités.
- le sauveur tient un rôle gratifiant. Heureux que quelqu’un lui fasse confiance, son image va s’en trouvée revalorisée auprès des autres.
- le persécuteur tient des propos dévalorisants, formule des critiques destructrices et place son interlocuteur en position d’infériorité ! Cette posture lui permet de libérer ses pulsions agressives.
Tout le monde, à un moment ou à un autre, joue ce jeu psychologique, de manière inconsciente. Les rôles, en revanche, sont interchangeables en fonction des circonstances et endossés de manière quasi-spontanée.
Conséquences du triangle de Karpman
La communication entre les interlocuteurs est perturbée au point de ne pouvoir se poursuivre de façon naturelle et agréable. Chacun sort de l’échange plus ou moins mécontent de lui-même, de l’autre et de la relation. Celle-ci devient le terrain miné d’une guerre de malentendus, de rancœurs et de frustrations. Il y a donc au moins deux « perdants » : les deux personnes qui sont en conflit. Et le nombre des victimes, directes ou collatérales, peut s’alourdir, à mesure que de nouveaux « acteurs » entrent en scène. Ceux-ci ont souvent de bonnes intentions : aider à la résolution du conflit, soutenir la personne en souffrance… A l’arrivée, une toile d’araignée peut prendre tout un collectif au piège d’interdépendances malsaines. Les conséquences, imputables au triangle dramatique, nous incitent à prévenir sa mise en place.
Les clés pour éviter d’entrer dans le triangle dramatique
On s’épargne bon nombre de « jeux psychologiques » en adoptant une bonne communication interpersonnelle :
- les échanges entre individus méritent d’être francs, respectueux et loyaux. Notre responsabilité est d’exprimer clairement ce que nous souhaitons ou refusons, et de le dire à la personne concernée. Celle de l’interlocuteur/interlocutrice est d’accepter ou de refuser.
- Il est préférable de dire les choses de façon directe, en évitant notamment les sous-entendus, les reproches et autres jugements péremptoires. Par ailleurs, il faut veiller à ne pas blesser notre interlocuteur inutilement. C’est un exercice difficile en général et en particulier face des personnes sensibles et/ou susceptibles.
- Le travail d’accueil et d’acceptation des émotions concerne les individus, en leur for intérieur. Il est aussi de la responsabilité du collectif et de l’organisation de « prendre au sérieux » leur expression et d’entendre les signaux que les émotions envoient : la peur d’être menacé dans son identité ou dans sa légitimité ; la colère d’être choqué dans ses valeurs ou d’être victime d’une injustice ; le dégoût de perdre l’espoir ou encore la tristesse du deuil ; ….
Comment sortir d’une relation malsaine
L’objectif n’est pas de changer de rôle au sein du triangle, en passant par exemple de Victime à Persécuteur. Il s’agit simplement de prendre conscience des jeux cachés pour s’en détacher et s’en affranchir.
- La première étape consiste à reconnaitre l’existence d’un malaise et à prendre conscience que la relation est toxique. Les attitudes sont reconnues comme contre-productives et pénalisantes pour un ou plusieurs des protagonistes.
- Ensuite, il s’agit d’identifier le rôle de chacun et de chercher les raisons profondes de ces comportements. Dans le cas où l’origine du triangle est liée à des problèmes non résolus, il s’agit de les résoudre. La communication est le mot d’ordre.
- Enfin la troisième étape consiste à briser le cercle vicieux en cessant de jouer votre rôle, quel qu’il soit. Prendre le rôle d’observateur permettra d’adopter une posture d’attention et d’écoute active.
Jeux dangereux en entreprise : la gestion de conflit
En dépit d’une culture d’entreprise promouvant les valeurs d’une communication de qualité et les efforts accomplis par le management, il arrive qu’une équipe soit rattrapée par le triangle dramatique. Alors, comment en sortir ?
Pour gérer un conflit et sortir du triangle dramatique, vous pouvez recourir à la Communication non violente (CNV) : « dire ce que j’observe, je ressens, je désire et ce que je demande pour mon mieux être. Entendre ce que tu observes, tu ressens, tu désires et ce que tu demandes pour ton mieux être » Marc Rosenberg. La CNV propose une grille de communication en quatre étapes.
- Observer sans évaluer. J’observe et je décris les faits sans juger. « Je n’ai pas été consulté sur ce projet… »
- Exprimer les sentiments. Je partage et dis mes sentiments et mes ressentis : « je suis déçu de mes talents d’orateur ; j’ai peur quand tu dis cela ; je ressens de la gratitude »
- Identifier les besoins. J’exprime mes besoins : « je suis en colère quand tu dis cela parce que j’ai besoin de respect et j’entends tes propos comme une insulte »
- Demande. Je formule une demande claire et explicite : « je voudrais que tu me dises une chose que j’ai faite et qui t’a déçu »
Dans cette démarche de Communication non violente, il est important de :
- rester centré sur les faits d’une situation précise et limitée ;
- proscrire la généralisation (toujours, jamais…) ;
- refuser les comparaisons ;
- valoriser le positif ;
- dissocier les faits des personnes et éviter de juger la personne à travers ses actions.
Conseils du coach
La Communication Non Violente peut nous aider à rétablir une communication saine. Il est aussi possible d’appliquer les Accords Toltèques, ou de s’appuyer sur la méditation. Il existe une infinité de pistes.
En fin de compte, sortir du triangle de Karpman, dans une situation conflictuelle, nécessite de prendre du recul et de répondre à quatre questions :
- Qui suis-je ?
- Qu’est-ce que je veux ?
- Avec qui ?
- Quand ?
En définitive, connaitre sa posture favorite et accepter que le changement prenne du temps permet d’éviter de s’engluer dans le Triangle de Karpman.
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