La communication non violente, une clé pour la gestion des conflits

« Tout conflit est l’expression tragique d’un besoin insatisfait »

 « Les jugements portés sur autrui sont des expressions détournées de nos propres besoins inassouvis. » Marshall Rosenberg,

La Communication NonViolente est une clé relationnelle enfouie au cœur de notre nature profonde. Elle nous incite à repenser totalement notre manière d’interagir avec nos interlocuteurs. Elle vise à développer un mode de relations assertif qui favorise le respect de soi et des autres dans un objectif de coopération apaisée.

Scène de vie : Pierre reçoit Lucien en entretien de progrès annuel. L’échange promet d’être tendu car Pierre a de nombreuses critiques à faire à son chef d’équipe. Direct, Pierre commence par une liste de reproches : « tu es toujours en retard » «tu ne tiens aucun compte des remarques que je te fais», « j’ai le sentiment que tu ne t’investis pas dans ton travail », « tu pourrais t’inspirer de ce que fait Valérie », « tu ne prends pas tes responsabilités au sein de ton équipe » … Après le départ de Lucien, qui s’est fermé et n’a rien dit. Pierre est mécontent de la façon dont il a conduit l’entretien. Comment peut-il améliorer sa communication, exprimer ses besoins, formuler des demandes acceptables, trouver le langage du cœur ?

La communication non violente

La Communication NonViolente (C.NV) est une démarche visant à apaiser les relations et à mettre l’assertivité et l’empathie au cœur de la communication. L’assertivité est l’aptitude à exprimer et à défendre ses idées sans agressivité envers autrui. L’empathie est la capacité à se mettre à la place de l’autre afin de comprendre son mode de fonctionnement et ses émotions. Cette approche préconise une attitude bienveillante envers nous-même et envers les autres. Elle a été mise au point dans les années 70 par l’américain  Marshall B. Rosenberg, docteur en psychologie clinique.

La C.NV. est un processus pragmatique et efficace, qui améliore la clarté des échanges. Elle nous propose de corriger la manière dont nous nous exprimons et dont nous écoutons l’autre. Elle facilite la coopération et aide à la résolution des conflits. Les mots ne sont plus des réactions automatiques ; ce sont des réponses résultant d’une prise de conscience de nos émotions et de nos attentes. Pour reprendre le titre du premier livre de Rosenberg, « les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). »

Hypothèses de base

Notre relation au langage et notre éducation poussent la plupart d’entre nous à évaluer autrui au lieu de l’écouter, à exiger plutôt que de demander. L’objectif de la Communication NonViolente est de créer une relation, avec soi et avec les autres, qui permet de satisfaire les besoins fondamentaux de chacun. Elle repose sur 3 postulats :

  • Tous les êtres humains ont des besoins fondamentaux.
  • Les êtres humains aiment contribuer, c’est-à-dire participer.
  • Chacun porte naturellement en soi de la bienveillance à l’égard de ses propres besoins et de ceux de ses semblables.

Les freins à la communication

Ce langage du cœur, cette bienveillance naturelle disparait lorsque nous adoptons une communication agressive, voire violente pour soi-même et pour les autres. Cette communication « aliénante », selon Marshall B. Rosenberg, s’exprime principalement de quatre manières :

  • Emettre des jugements : « tu es paresseux ». Les reproches, les interprétations, les généralisations, les sarcasmes reflètent ce que nous pensons : ce qui est normal ou non ; ce qui est intelligent ou idiot ; ce qui est vrai ou faux ; ce qui bon ou mauvais … pour nous !
  • Faire des comparaisons : « il a une prime d’un montant supérieur à la mienne». La comparaison est un poison. Elle engendre une émotion négative comme la jalousie ou le découragement, voire un sentiment d’infériorité et d’injustice.
  • Refuser ses responsabilités : « nous n’avons pas atteint nos objectifs car les commerciaux n’ont pas été performants ». Nier ou dévier ses responsabilités sur autrui empêche de prendre conscience que nous sommes responsables de nos pensées et de nos actes.
  • Exprimer ses désirs sous la forme d’exigences, voire de menaces : « tu as intérêt à faire cela, sinon tu ne seras pas élu ». Il n’est pas de notre pouvoir d’exiger de quelqu’un qu’il fasse quelque chose qu’il ne veut pas.

Cette violence, qu’elle soit verbale ou psychologique attribue les racines du conflit aux torts de l’autre. Elle montre aussi une incapacité à admettre sa propre vulnérabilité ou celle de l’autre. Dans ce cadre, il est intéressant d’observer que ces comportements provoquent des réactions de défense et de résistance. En luttant, on renforce souvent ce contre quoi on lutte !

Les 4 étapes de la Communication NonViolente

« Dire ce que j’observe, je ressens, je désire et ce que je demande pour mon mieux être. Entendre ce que tu observes, tu ressens, tu désires et ce que tu demandes pour ton mieux être » M. Rosenberg. Ce processus permet de clarifier ce qui se passe en soi, de communiquer vers l’autre, de recevoir et d’écouter ce que l’autre me dit. Il s’agit alors de ne parler que de ce qu’on ressent et de commencer ses phrases par « Je ».

Les 4 étapes du développement de la C.NV sont les suivantes :

  • Observation : la première étape consiste à observer les faits et décrire une situation de manière objective, sans jugement, ni évaluation. Ainsi, au lieu de dire à Philippe « tu es toujours en retard », une C.NV serait de dire « je constate que tu as rendu tes trois derniers rapports en retard ». Une telle formulation se concentre sur les faits et évite à l’interlocuteur de se sentir agressé.
  • Sentiment : la deuxième étape est centrée sur les sentiments. La C.NV m’interpelle sur la façon dont je me sens par rapport à ce que j’observe ? Dans le cas présent, je peux être déçu, découragé, piégé, en colère… Comment exprimer un besoin si nous ne savons pas ce que cette situation génère en nous ?
  • Besoin : la troisième étape consiste à identifier ce qui se cache derrière ce sentiment : les paroles ou les actes d’autrui sont souvent un déclencheur mais ne sont jamais la cause d’un besoin. Il s’agit donc de clarifier le besoin insatisfait qui se cache derrière un sentiment négatif. Selon la C.NV « Je suis en colère parce que j’ai besoin de temps pour relire le projet avant de le transmettre. » Si nous n’exprimons pas nos besoins, il y a peu de chance qu’ils soient entendus. Il est souvent difficile pour l’autre de deviner ce dont nous avons le plus besoin.
  • Demande : la dernière étape consiste à formuler de façon claire et précise ce que nous voulons. Demander, c’est offrir à l’autre la chance de participer à l’échange Ainsi la demande « Tu pourrais faire un effort pour comprendre mes impératifs» pourrait devenir en C.NV « je voudrais que tu me rendes ton prochain rapport vendredi matin parce que j’ai besoin de le relire avant lundi.. » Le fait que la demande soit accompagnée d’une formulation des besoins la rend acceptable. Cela n’empêche pas l’autre d’avoir le droit de dire non.  

La résolution de conflit avec la CNV

Face à une situation de conflit, chacun peut réagir de manière différente. La première est la passivité qui peut être pertinente lorsque l’enjeu est mineur parce que le sujet ne mérite pas développé. Cependant, cette réponse est insuffisante dans la plupart des cas. Ensuite, la réaction autoritaire est une posture qui n’est pas plus efficace et qui est dangereuse sauf dans les situations d’urgence et de stress. Ces situations peuvent conduire à donner des ordres sans explication. Enfin, l’assertivité est la solution choisie par la Communication NonViolente. C’est la capacité à exprimer ses sentiments et d’affirmer ses besoins, tout en respectant ceux des autres. La communication assertive permet d’exprimer de façon claire et directe ses sentiments et ses besoins aux autres, sans pour autant chercher à les imposer. Elle permet également de dire NON.

Une trame pour la résolution de conflits

Dans une collectivité, il existe toujours des conflits entre personnes. S’ils ne sont pas résolus, ces conflits peuvent empoisonner durablement les relations et peser sur l’efficacité au travail. Marshall Rosenberg nous propose une approche en 6 points qui permettra de restaurer le dialogue entre deux personnes en conflit.   

  • Source : être certain qu’on s’adresse à la personne qui est la source du problème. C’est parfois difficile mais c’est la seule façon d’être efficace.
  • Place et Moment : veiller à ce que l’échange se déroule dans un endroit protégé, en tête à tête tout en évitant de le faire à chaud.
  • Approche amicale : ouvrir la porte à la communication. User du nom ou du prénom, dire quelque chose d’aimable, sans flagornerie, permettra d’engager un vrai dialogue.
  • Comportement objectif : rappeler les faits, expliquer le comportement qui motive notre doléance sans jugement ni interprétation : « lorsque vous avez fait cela… »
  • Emotion : partager l’émotion que nous avons ressentie, sans tomber dans le piège de la colère. Il est plus efficace de parler de soi-même : « … je me suis senti trahi… »
  • Espoir Déçu : mentionner l’espoir déçu ou le besoin qui n’a pas été satisfait « …parce que j’ai besoin d’avoir confiance en vous. »

Cette trame permet de maintenir le dialogue ouvert et de rechercher une solution aux conflits émergents grâce à la qualité du dialogue et à la sincérité de l’intention.

Les bienfaits de la Communication NonViolente

Dans le domaine professionnel comme dans la sphère privée, la Communication NonViolente peut être bénéfique à quiconque désire communiquer avec plus d’authenticité et d’efficacité. Elle s’adresse en particulier à celles et ceux qui, quand elles se sentent contrariées, ont tendance à se laisser submerger par leurs émotions. Ce que l’on déteste chez les autres est parfois ce que l’on n’accepte pas en soi. Ecouter ses émotions permet de gagner en stabilité émotionnelle.

Plutôt que de réagir à chaud face à une situation compliquée, la Communication NonViolente invite donc à adopter une attitude constructive et positive, en particulier dans un contexte conflictuel. C’est un outil précieux pour améliorer la qualité de la communication.

En remettant les émotions au cœur de la relation, la C.NV. suggère de les apprivoiser pour les partager avec son entourage. En acceptant de révéler vos émotions, vous humanisez les relations avec vos interlocuteurs sur la base d’une relation de confiance mutuelle. Au travail, la Communication NonViolente favorisera la co-constructionet le management collaboratif. Elle permet de développer un climat de confiance et de solidarité. La C.NV contribue à la résolution des conflits en maintenant un esprit de coopération mutuelle; c’est un principe gagnant-gagnant.

Conseils du coach

Nous avons pris l’habitude de dissimuler ce qui se passe en nous afin d’obtenir une reconnaissance, une intégration dans un groupe ou un confort apparent plutôt que de nous exprimer tels que nous sommes. Nous avons appris à nous couper de nous-même pour être avec les autres. La Communication NonViolente nous rappelle que la non-écoute de soi conduit tôt ou tard au non-respect de l’autre. La méthode demande une bonne dose de détermination. En effet, il faut beaucoup d’entraînement et d’assiduité avant que la Communication NonViolente ne devienne une seconde nature. C’est un état d’esprit, une intention avant d’être une méthodologie.

  • S’écouter pour se comprendre : je redeviens un bébé à la naissance qui est connecté en permanence à son corps et à ses besoins. Lorsqu’une émotion me traverse, je m’arrête quelques instants pour écouter mon cœur et mon corps, à la recherche de mon besoin.
  • Faire le don d’une présence totale : c’est la puissance de l’empathie. Ecouter l’autre sans prononcer un mot, sans conseil, sans jugement, sans critique.
  • Demander les choses clairement, concrètement, positivement offre à l’autre la chance de contribuer. Il autorise également une réponse positive ou négative, laissant à autrui l’entière responsabilité de ses actes.

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